Contre-interrogatoire tendu pour un expert
Il témoignait sur un reportage de Radio-Canada
Malgré les critiques et les insinuations visant à miner sa crédibilité, un expert continue d’affirmer que Radio-Canada a « induit le public en erreur » en diffusant un reportage-choc qui pourrait coûter des millions à la société d’État.
« Pour moi, il y a eu transgression au principe d’exactitude [en journalisme], ç’a induit le public en erreur », a affirmé Marc-François Bernier en reprochant du « sensationnalisme » de la part de Radio-Canada, hier au palais de justice de Montréal.
Pour la deuxième journée, l’expert en journalisme était à la barre des témoins au procès civil en diffamation de 3 millions $ intenté par 42 policiers de la Sûreté du Québec contre Radio-Canada. Au coeur du litige se trouve un reportage de l’émission
Enquête intitulé Abus de la SQ : des femmes brisent le silence et diffusé en 2015. La journaliste Josée Dupuis y donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or, en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de la part de policiers.
Cette enquête avait causé une onde de choc, contribuant à la création de la commission Viens sur les relations entre les Autochtones et les services publics.
EXPERT CRITIQUÉ
Une enquête policière avait été déclenchée, mais sans qu’elle ne puisse mener à des accusations criminelles faute de preuve suffisante.
Pour les policiers impliqués dans la poursuite en diffamation, les informations sont carrément fausses.
En contre-interrogatoire, l’avocate de Radio-Canada Me Geneviève Gagnon s’est toutefois affairée à miner la crédibilité de M. Bernier, en rappelant plus ou moins subtilement que cela faisait des années qu’il n’avait pas pratiqué le métier.
« Il a une manière théorique d’appliquer les règles », avait-elle d’ailleurs dit à l’ouverture du procès civil.
Hier, elle lui a posé des questions sur la façon dont il travaillait « à l’époque », ainsi que sur les références dans son rapport, dont certains émanent d’experts « qui n’ont pas pratiqué comme journalistes ».
Il a toutefois reconnu que le sujet du reportage était d’intérêt public. Plus tôt lors du procès, la journaliste Josée Dupuis avait affirmé avoir cru les femmes interviewées, car « elles ne disaient pas toutes la même chose » ou encore parce que « ce n’était pas dit sur un ton belliqueux ».
Elle avait toutefois reconnu une erreur à propos d’une femme qui avait dit avoir été violée par un policier 20 ans plus tôt. Or, il ne pouvait pas travailler à la SQ puisqu’à l’époque il ne pouvait s’agir que de la police municipale.
« Elle le savait, avant la sortie du reportage », a affirmé l’expert en rappelant que le but du journalisme était ultimement de « bien informer le public ».
Le procès, devant le juge Babak Barin, se poursuit toute la journée.