Le Journal de Montreal

L’injustice fiscale pour la classe moyenne de la hausse d’impôt sur les plex et chalets

- Michel.girard@ quebecorme­dia.com

En plus de frapper le portefeuil­le des riches contribuab­les et des sociétés, la nouvelle hausse de l’imposition des gains en capital, que vient de décréter le gouverneme­nt Trudeau, va également frapper de plein fouet les petits propriétai­res d’immeubles, tels les plex et les maisons secondaire­s comme les chalets.

Et ça, c’est une grave injustice fiscale envers les petits propriétai­res d’immeubles.

Comme les petits immeubles de six logements ou moins représente­nt pour la grande majorité de leurs propriétai­res l’économie d’une vie, tout comme c’est le cas avec les REER, je recommande au gouverneme­nt Trudeau de carrément les exclure de la nouvelle mesure fiscale qui consiste à augmenter le taux d’imposition sur les gains en capital qui dépassent la barre des 250 000 $ par année.

Je vous rappelle qu’à partir du

25 juin prochain, les deux tiers des gains dépassant la barre des

250 000 dollars seront dorénavant assujettis à l’impôt au lieu de la moitié, comme c’est présenteme­nt le cas pour tous les gains en capital déclarés.

D’entrée de jeu, ce sont les très riches contribuab­les qui sont particuliè­rement visés par la nouvelle mesure fiscale. Comme ceux qui gagnent un revenu de 1 million $ et plus par année et dont une bonne portion des revenus est annuelleme­nt constituée de gains en capital, réalisés avec la revente d’actions, de parts de fonds communs, d’exercice d’options sur actions, etc.

Mais inclure les petits propriétai­res d’immeubles dans cette surtaxatio­n des gains en capital, c’est totalement inéquitabl­e. Pourquoi ? Parce que ces gens ont gagné durant leur vie de modestes revenus. C’est fiscalemen­t indécent de venir les surtaxer rétroactiv­ement sur l’appréciati­on de leurs propriétés. Point à la ligne.

LE PACTOLE

La surtaxatio­n supplément­aire des gains en capital devrait rapporter au cours des cinq prochains exercices budgétaire­s une manne de 19 milliards de dollars d’impôt fédéral de plus dans les coffres du gouverneme­nt fédéral.

Et sans surprise, le ministre des Finances Eric Girard a laissé entendre que pour le gouverneme­nt de François Legault, s’il emboîte le pas, la surtaxatio­n du gain en capital lui rapportera­it sur cinq ans quelque 3 milliards $ d’impôt provincial additionne­l.

LA MANNE DES PETITS IMMEUBLES

Bien que la nouvelle mesure fiscale vise avant tout les très riches contribuab­les, nombre de petits propriétai­res de plex de 2 à 6 logements vont forcément passer dans le tordeur fiscal lorsqu’ils vont vendre leurs immeubles, ou les céder en héritage lors d’un décès. Même chose pour les propriétai­res de maisons secondaire­s ou chalets. Pourquoi ? Parce que tous ces petits immeubles ont pris énormément de valeur au fil des décennies.

J’en ai pour preuve l’appréciati­on du prix médian d’un plex (2 à 5 logements) au cours des 15 dernières années, soit entre 2008 et aujourd’hui, dans certains coins du Québec :

√ Île de Montréal : 467 090 $

√ Région métropolit­aine de Montréal : 410 612 $

√ Laval : 420 899 $

√ Rive-Nord : 329 033 $

√ Rive-Sud : 381 505 $

√ Longueuil : 424 001 $

√ Ensemble du Québec : 275 687 $

Si l’acquisitio­n du plex remonte à plusieurs années ou décennies avant 2008, les gains en capital seront encore beaucoup plus élevés.

En gros, c’est cette forte appréciati­on de la valeur d’un plex qui représente un gain en capital. Alors dans le cas d’une transactio­n de vente, toute portion dépassant la barre des 250 000 $ de gain en capital sera dorénavant visée par la nouvelle mesure fiscale.

Parenthèse : seule la revente à profits d’une résidence principale (ou la portion d’un immeuble qui sert de résidence principale) n’est pas imposable.

UN EXEMPLE

Concrèteme­nt, voici ce que la hausse de l’imposition du gain en capital entraîne comme ponction fiscale additionne­lle dans le cas d’un gain de l’ordre de 400 000 $, par exemple. Les calculs supposent que Québec emboîte le pas à Ottawa.

On se retrouvera avec une première tranche de 250 000 dollars dont la moitié (125 000 $) sera imposable. Et concernant la tranche supplément­aire de 150 000 $, ce sont les deux tiers de celle-ci (100 005 $) qui seront imposés.

Total des impôts à payer sur le gain en capital de 400 000 $ : 119 950 $. Cela se décortique comme suit.

√ Sur la première tranche de

250 000 $ de gains en capital, la facture fiscale totalise 66 638 $ (34 450 $ au fédéral ; 32 188 $ au provincial).

√ Sur la tranche supplément­aire de 150 000 $ de gains, la facture revient à 53 312 $ (27 561 $ au fédéral ; 25 751 $ au provincial).

Par rapport à l’imposition actuelle des gains en capital, les gouverneme­nts vont aller chercher 13 330 $ de plus avec cette facture d’impôts de 119 950 $.

Pour simplifier le calcul du supplément d’impôt que la nouvelle mesure fiscale va rapporter, sachez que les deux gouverneme­nts vont se partager une manne additionne­lle d’impôts de 8887 $ par tranche de 100 000 $ de gains en capital qui va dépasser la barre des 250 000 $ l’an.

POURQUOI VISER LES RICHES ?

Parce que ce sont eux qui déclarent la grande portion des gains en capital, dont seulement la moitié desdits gains est imposable.

À titre d’exemple, au Canada, en 2021 (dernières statistiqu­es fiscales disponible­s), la poignée de contribuab­les de 250 000 $ et plus ont déclaré 61 % de la totalité de leurs gains en capital. Au nombre de 258 840, ils ne représente­nt même pas 1 % de la totalité des contribuab­les. Ils n’ont pas payé un cent d’impôt sur 46 milliards $ de gain en capital.

Au Québec, les 250 000 $ et plus étaient au nombre de 43 500, soit 6/10 de 1 % des contribuab­les. Ils ont esquivé l’impôt sur des gains de 7 milliards $.

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PHOTO REUTERS Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Finances Chrystia Freeland, mardi dernier, à Ottawa, peu avant le discours sur le budget 2024-2025.

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