Le Journal de Montreal

La déconfitur­e de la mine Renard était-elle évitable ?

- MARTIN JOLICOEUR

Est-ce que le gouverneme­nt du Québec aurait pu prévoir ou éviter le désastre financier que suggère aujourd’hui la fin des activités de la mine Renard, de Stornoway Diamonds ?

Malgré son regard critique de la situation, le géologue et analyste minier de carrière, Éric Lemieux, ne le croit pas. « J’ai toujours cru et dit que pour moi, c’était un projet moyen, avec une teneur moyenne, une taille moyenne, et une situation géographiq­ue moyenne. Lorsque tout est moyen, la marge de manoeuvre en cas de coût dur est moins grande.[...] »

« Mais est-ce que le gouverneme­nt aurait pu prévoir il y a dix ans que Stornoway se retrouvera­it dans une situation à ce point déficitair­e aujourd’hui ? Je ne crois pas. Ce n’est pas quelque chose qui se voyait dès le départ. [...] Et non, malgré ce que plusieurs peuvent penser, je ne crois pas que le gouverneme­nt ait péché par optimisme à outrance dans cette affaire. »

AU BORD DE LA FAILLITE

Après avoir investi des centaines de millions de dollars de fonds publics dans ce projet, la mine Renard de Stornoway est sur le point de fermer moins de dix ans après son inaugurati­on.

En plus d’être devenus actionnair­es du projet, Investisse­ment Québec et la Caisse figurent en plus sur la liste de créances de Stornoway. Au bord de la faillite, l’entreprise faisait face à des dettes de 275 M$, au moment de se placer à l’abri de ses créanciers l’automne dernier.

Comme Éric Lemieux, de EBL Consultant­s, Josée Méthot n’a pas l’impression que la direction de l’entreprise a commis de fautes graves qui peuvent expliquer l’impasse devant laquelle elle se trouve aujourd’hui.

« À l’époque, tout le monde voyait ça d’un très bon oeil. On voyait vraiment ça comme le début d’une nouvelle filière au Québec. D’autres provinces avaient eu du succès. Et personne à l’époque n’aurait pu prévoir ce qui s’est passé par la suite. »

DU GAMBLING POLITIQUE

Rodrigue Turgeon, avocat et co-responsabl­e national de MiningWatc­h Canada, n’est pas du même avis.

Les fluctuatio­ns des prix de la ressource, les risques d’ordres géopolitiq­ue et technologi­que – comme l’émergence du diamant de synthèse – sont tous des éléments qui auraient dû, de son point de vue, être pris en ligne de compte avant de lancer dans une telle aventure.

« On ne va pas refaire l’histoire. Et on comprend l’intérêt économique de lancer de tels projets. Mais ce sont des projets à haut risque qu’il importe d’évaluer pour ce qu’ils sont [des projets risqués]. À défaut de quoi, ça devient rien de moins que du gambling avec l’argent des contribuab­les. » Celui qui est aussi porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, est d’avis que le gouverneme­nt devrait prendre des leçons de cette expérience, alors qu’elle n’en a plus ces jours-ci que pour le développem­ent de la filière du lithium.

« Le lithium comporte les mêmes risques géopolitiq­ues et technologi­ques que le diamant présentait il y a une décennie et encore aujourd’hui. Les risques sont connus. Le gouverneme­nt les connaît. Mais en pleine crise inflationn­iste et de crise du logement, déplore-t-il, le gouverneme­nt caquiste de François Legault vient encore de réserver un demi-milliard dans son plus récent budget pour encore soutenir sa filière du lithium ».

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Rodrigue Turgeon, co-responsabl­e national de MiningWatc­h Canada
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Éric Lemieux Expert EBL Consultant­s

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