AURAIENT-ILS VRAIMENT GAGNÉ EN 1994 ?
L’idée est un peu casse-cou (ou casse-couilles) de remettre en doute le championnat de la Série mondiale qu’auraient pu obtenir les Expos de Montréal en 1994 alors que plusieurs membres de cette édition ont rendez-vous à Laval, ce samedi, à l’occasion d’une grande soirée organisée par Expos Fest.
N’empêche. La question, qui ne trouvera jamais réponse, semble légitime : les Expos auraient-ils vraiment gagné la Série mondiale en 1994 s’il n’y avait pas eu ce satané conflit de travail ?
« On ne saura jamais ce qui se serait passé et je vais me le demander jusqu’à la fin de mes jours », m’avait confié Moises Alou, l’an dernier, lors de sa précédente présence au gala Expos Fest.
Si la question est encore soulevée 30 ans plus tard, une mise en contexte s’impose : j’avais personnellement 14 ans à l’époque, et j’étais le premier à applaudir les Expos en rêvant de devenir journaliste sportif un jour. Jouant comme receveur au baseball mineur, pour le club sélect de Trois-Pistoles, je « trippais » fort sur Darrin Fletcher. J’avais d’ailleurs porté le numéro 24 pendant une saison ou deux.
Quoi qu’il en soit, autant j’aimais Fletcher, le gérant Felipe Alou et la rotation de partants menée par Ken Hill, Pedro Martinez et Jeff Fassero cette saison-là, autant je prends plaisir à aborder ce mystère insoluble. En analysant le tout froidement, certains doutes doivent subsister malgré ce qui était probablement la plus grande force des Expos : les releveurs (Tim Scott, Mel Rojas et John Wetteland, pour ne nommer que ceux-là).
UN NOUVEAU FORMAT ÉLIMINATOIRE !
Les Expos avaient donc une fiche de 74-40 quand la grève des joueurs a été déclenchée à partir du 12 août 1994. Ils avaient surtout remporté 20 de leurs 23 derniers matchs.
Le gérant Felipe Alou, Pedro Martinez, Jeff Fassero et les autres diront aussi que les Expos avaient tout ce qu’il fallait pour remporter la Série mondiale. Il n’en demeure pas moins qu’au fil des ans, il y a bon nombre d’équipes ayant dominé en saison régulière qui ont fait chou blanc dans les éliminatoires, particulièrement à partir de 1995.
Il faut ainsi rappeler que la saison 1994 devait être la première du baseball majeur à appliquer le format éliminatoire impliquant un meilleur deuxième. On passait de quatre à huit équipes dans les séries. Selon le classement en vigueur au moment du conflit de travail, ce sont les Braves d’Atlanta, tout juste derrière les Expos dans la section Est de la Nationale avec un dossier de 68-46, qui auraient pu en bénéficier. À l’époque, les Braves comptaient sur Greg Maddux, Tom Glavine et Steve Avery parmi leurs lanceurs partants.
FRUSTRANT POUR BIEN DES PARTISANS
Qui sait ce qu’un affrontement entre les Expos et les Braves aurait pu donner en éliminatoires ? Pendant la saison, Montréal présentait une fiche de 5-4 contre Atlanta jusque-là. Chose certaine, ç’aurait été épique. Hill contre Maddux, puis le jeune Pedro, qui était toutefois encore en apprentissage à 22 ans, contre Glavine... à moins qu’Alou n’eût opté pour Fassero.
Les Reds de Cincinnati et les Astros de Houston faisaient également très bien dans la nouvelle section Centrale de la Nationale, formée à la suite de la restructuration des divisions.
Bref, on en pleure encore à Montréal, 30 ans plus tard, et c’est correct. Mais il ne faut pas croire que les partisans des Yankees de New York, qui, pour leur part, dominaient dans l’Américaine avec un dossier de 70-43, ne l’avaient pas non plus avalé de travers quand la campagne 1994 s’était arrêtée abruptement.
LOIN D’UNE FORMALITÉ
Ça ne coûte rien d’imaginer une Série mondiale remportée par les Expos face aux Yankees, cette année-là. La réalité du sport professionnel laisse toutefois croire que c’était loin d’être réglé. Autant pour les Expos que pour les Yankees.
Prenez seulement l’année 1995 ! Les Indians avaient bouclé la saison régu
lière avec une fiche de 100-44, ce qui correspond à un taux de ,694, encore meilleur que celui présenté par les Expos l’année précédente (,649). Or, qui avait gagné la Série mondiale en 1995 ? Les Braves, toujours menés par Maddux, Glavine et Avery au monticule. La formation d’Atlanta avait néanmoins eu l’occasion d’ajouter un excellent voltigeur, soit le rapide Marquis Grissom, au cours de l’entre-saison. Les Braves avaient en effet profité de la vente de feu à Montréal. Larry Walker, Hill et Wetteland avaient aussi été liquidés, faut-il le rappeler.
On ne peut prétendre que les Expos auraient, hors de tout doute, remporté les grands honneurs en 1994. Ça peut faire du bien d’y croire, tout comme ça peut faire mal... Ce qu’on sait, par contre : les amateurs de baseball de Montréal ont été privés de moments d’histoire, peu importe les résultats qu’auraient obtenus les Expos en éliminatoires. D’ailleurs, on a parfaitement le droit de ne pas en revenir 30 ans plus tard, mais il faut arrêter de penser que c’est sûr à 100% que les Expos auraient gagné la Série mondiale en 1994.