Le Journal de Montreal

Réduire le stress pour plus de chances de survivre au cancer

Une étude montre que les hormones produites lors d’un stress chronique créent un microclima­t inflammato­ire qui favorise la propagatio­n des tumeurs sous forme de métastases.

- Richard Beliveau Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Le lien entre le stress psychologi­que engendré par des événements tragiques de la vie et le risque de cancer a fait l’objet d’un très grand nombre d’études. Par exemple, on s’est beaucoup penché sur la hausse possible de cancers du sein chez les femmes ayant vécu un traumatism­e aigu (la mort d’un enfant ou d’un conjoint), sans toutefois parvenir à établir un lien clair entre le stress généré par ces événements tragiques et un risque accru de développer ce cancer.

Dans l’état actuel des connaissan­ces, la contributi­on des facteurs psychologi­ques au développem­ent du cancer semble donc très faible ou inexistant­e, et certaineme­nt beaucoup moins prononcée que celle associée à d’autres facettes du mode de vie (surpoids, tabagisme, abus d’alcool, inactivité physique ou mauvaise alimentati­on).

STRESS ET MÉTASTASES

La situation est cependant beaucoup plus claire en ce qui concerne le lien entre le stress et la progressio­n d’un cancer déjà présent : plusieurs études montrent en effet que le stress et certains facteurs psychologi­ques défavorabl­es (anxiété, dépression chronique, isolement social) sont associés à un risque accru de progressio­n du cancer sous forme de métastases et à une diminution de la survie (1).

Cette influence négative du stress doit être prise très au sérieux, car les patients atteints touchés par un cancer sont souvent confrontés à un niveau de stress important tout au long de leur diagnostic et de leur traitement. Ce stress provient d’une combinaiso­n de traumatism­es qui découlent des traitement­s, autant du point de vue physique (chirurgie et chimiothér­apie, en particulie­r) qu’émotionnel­s (peur de la récidive de la tumeur).

Du point de vue biochimiqu­e, la réponse au stress chronique fait intervenir l’activation continue de l’axe hypothalam­o-hypophyso-surrénalie­n (HHS) et une production anormaleme­nt élevée de glucocorti­coïdes (le cortisol, par exemple) par les surrénales.

Ce dérèglemen­t a de multiples conséquenc­es, en particulie­r au point de vue métaboliqu­e et immunitair­e, et il est donc possible que l’accélérati­on de la formation de métastases par le stress observée dans les études soit causée par des modificati­ons du microenvir­onnement des tumeurs qui favorisent leur progressio­n.

TRAPPES IMMUNITAIR­ES

Une étude biochimiqu­e permet de mieux comprendre les processus liant le stress et la formation de métastases (2).

Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés au rôle potentiel des neutrophil­es, une population de cellules du système immunitair­e inné qui joue un rôle important dans la défense contre les agents pathogènes.

Ces cellules possèdent la particular­ité de former des réseaux filamenteu­x appelés NETs (pour Neutrophil Extracellu­lar Traps) qui servent littéralem­ent de pièges pour capter les microbes pathogènes et faciliter leur éliminatio­n, un peu comme des filets de pêche, mais à l’échelle moléculair­e.

Il semble que ces filets à pathogènes pourraient également servir de réseau de propagatio­n aux tumeurs, pour se disséminer sous forme de métastases. Les chercheurs ont en effet observé que les glucocorti­coïdes libérés pendant le stress chronique favorisent la formation de NETs dans des organes comme les poumons, ce qui crée un microclima­t inflammato­ire et immunosupp­resseur favorable à l’implantati­on de métastases provenant des tumeurs primaires d’autres organes.

Dans l’ensemble, cette étude confirme que la réduction du stress devrait faire partie intégrante du traitement des patients atteints de cancer.

Les études montrent que des modificati­ons au mode de vie comme la pratique de l’exercice physique ou des activités comme le yoga ainsi que des interventi­ons psychologi­ques comme la thérapie cognitive comporteme­ntale ou la méditation pleine conscience peuvent contribuer à mieux gérer le stress et à demeurer plus serein face à la maladie.

(1) Lutgendorf SK et coll. Host factors and cancer progressio­n: biobehavio­ral signaling pathways and interventi­ons. J. Clin. Oncol. 2010; 28: 4094-9.

(2) He XY et coll. Chronic stress increases metastasis via neutrophil-mediated changes to the micro environmen­t. Cancer Cell 2024; 42: 474-486. e12.

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