Choc à venir entre le Québec et les autres francophones
L’immigration sauvera le français dans le reste du Canada : c’est l’espoir qui est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits, dans les communautés francophones hors Québec.
Mais selon Anne-Michelle Meggs, ancienne directrice au ministère québécois de l’Immigration, ces communautés et le Québec vont finir par se faire concurrence.
Comme c’est le cas dans le domaine des droits linguistiques, nous explique Mme Meggs, la dynamique canadienne, en définissant le Québec comme une « majorité, se trouve à opposer les deux groupes ».
Elle souligne par exemple qu’un programme fédéral, Mobilité francophone, crée « des privilèges pour les employeurs hors Québec qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires francophones, mais [qui] ne s’appliquent pas aux employeurs du Québec ».
Un peu partout au pays, les communautés francophones ciblent les immigrants de l’Afrique francophone, du Maghreb, du Liban, etc.
Des bassins similaires à ceux où le Québec tente de recruter. Le choc entre la Belle Province et les communautés francophones du reste du pays semble inévitable.
Un peu partout au pays, les communautés francophones ciblent les immigrants de l’Afrique francophone, du Maghreb, du Liban, etc. Des bassins similaires à ceux où le Québec tente de recruter.
PLANCHE DE SALUT
Il reste que durant mon séjour dans les provinces de l’Ouest, j’ai pu constater à quel point l’immigration est perçue comme une bouée de sauvetage.
C’était particulièrement vrai lors de l’Assemblée générale annuelle de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), rue Provencher, dans Saint-Boniface.
Nous étions le 12 octobre et dans la salle comptant quelque 300 personnes, la diversité est déjà bien présente : les « Néo-Franco-Manitobains » semblent clairement en majorité.
Cette grande diversité a même conduit au changement de nom de l’organisme central à cette communauté.
La « Société franco-manitobaine » est devenu en 2017 la Société de la francophonie manitobaine.
« Ça rend la dénomination beaucoup moins ethnique », m’avait expliqué la veille le professeur Raymond Hébert, retraité de l’Université Saint-Boniface.
BONNE NOUVELLE
Sur l’écran du Centre culturel francomanitobain (CCFM), via vidéo, le Commissaire aux langues officielles Raymond Théberge, d’origine manitobaine, livre de « bonnes nouvelles » aux membres présents de la SFM.
Le gouvernement fédéral, se réjouit-il, a « atteint la cible d’immigration francophone hors Québec pour la première fois depuis 20 ans », soit d’un peu plus de 4 %.
Mais il réclame une cible « beaucoup plus ambitieuse pour combler les déficits accumulés au cours des deux dernières décennies », dans l’objectif de rétablir le poids démographique des francophones.
Théberge se félicite que le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 du fédéral de 1,4 G$ fasse la part belle à l’immigration.
De l’argent qui financera entre autres l’intégration des immigrants aux communautés francophones minoritaires, et qui servira au recrutement des travailleurs parlant français « notamment en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient et dans les Amériques ».
PAS UNE SOLUTION MIRACLE
Par ailleurs, un universitaire (qui ne veut pas être cité, mais qui connaît bien ces questions) souligne que les immigrants francophones dans le reste du Canada finissent souvent par passer à l’anglais.
« Si les Franco-Manitobains s’assimilent en grand nombre, pourquoi penser que les immigrants, placés dans les mêmes conditions, vont se comporter différemment ? On n’y arrive pas si facilement à Montréal... »