Haïti, de chaos en catastrophe : le monde regarde ailleurs
La guerre Hamas-Israël avec toutes ses tragédies a détourné l’attention d’une autre désespérante situation humanitaire.
La violence des gangs en Haïti atteint des niveaux sans précédent : des millions de personnes sont prises dans un tourbillon de brutalité.
Port-au-Prince, sa capitale, est presque entièrement aux mains de gangs armés alors que le pays se prépare à l’installation d’un conseil de neuf membres pour succéder au premier ministre Ariel Henry, qui a démissionné le 11 mars alors qu’il était sagement à l’extérieur du pays.
Les gangs d’Haïti, désormais regroupés, poursuivent leurs violences, même s’ils ont déclaré que leur objectif était d’évincer Henry. Ils combattent actuellement la police autour du Palais National, où le conseil de transition doit siéger.
Comme l’a souligné Nathalie Broadhurst, représentante de la France au Conseil de sécurité de l’ONU, « La vague de violence des gangs est inédite par son intensité et par la nature de ses cibles. En s’en prenant aux infrastructures stratégiques et aux institutions publiques, c’est l’autorité de l’État qui est attaquée. »
LE CANADA Y VA MOLLO
Ni la France, ni les États-Unis, ni le Canada ne veulent participer sur le terrain aux opérations visant à restaurer la paix en Haïti. On préfère, cette fois, aider de loin.
Soixante-dix membres du Royal 22e Régiment entraînent actuellement en Jamaïque 330 militaires des Bahamas, du Bélize et de la Jamaïque qui doivent intervenir en Haïti dans le cadre de la mission de l’ONU pour rétablir la paix. Dirigée par le Kenya, elle n’a pas encore été déployée en raison de problèmes juridiques et financiers. Prudence est mère de sûreté, dit le proverbe.
L’aéroport de Port-au-Prince étant fermé, ceux qui le désirent parmi les 3000 Canadiens sur place sont évacués par hélicoptère vers la République dominicaine voisine avec l’aide de l’ambassade canadienne. Des sources ont déclaré à Global News que des membres des Forces spéciales canadiennes étaient à l’ambassade pour la défendre et aider, si nécessaire, à évacuer son personnel.
ÇA POURRAIT DEVENIR IRRÉMÉDIABLE
La cheffe du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Catherine Russell, a estimé devant le Conseil de sécurité que « les Haïtiens ont besoin d’une intensification immédiate du soutien à la fois régional et international, sans laquelle la situation pourrait devenir irrémédiable ».
Elle estime que la vie de près de 60 000 enfants est menacée par le manque de nourriture et que les deux tiers des enfants d’Haïti ont besoin d’aide. Les femmes et les filles sont la cible de violences sexuelles « extrêmes », dont des viols collectifs de la part de membres de gangs qui recrutent des enfants. Mme Russell dit que même si toutes les mesures nécessaires sont prises, la situation ne sera pas rétablie rapidement.
L’envoyée spéciale de l’ONU pour Haïti, Maria Isabel Salvador, a déclaré au Conseil de sécurité que la moitié de la population souffrait d’une grave insécurité alimentaire, ajoutant que l’appel de l’ONU de 674 millions de dollars pour 2024 n’avait jusqu’ici été financé qu’à 8 %.
Paralysé par la guerre des gangs, Haïti fait aussi face à une pénurie de médicaments dans ses hôpitaux. Le principal port de l’île est bloqué, ce qui empêche l’importation de fournitures médicales alors que les gangs parviennent à recevoir armes, munitions et drogues par la mer.
L’année dernière, Ottawa a annoncé le déploiement de deux navires de la Marine canadienne, le Glace Bay et le Moncton, pour patrouiller dans les eaux haïtiennes, particulièrement aux alentours de Port-au-Prince.