Le Journal de Montreal

Pour QS, c’est une bombe à fragmentat­ion

- Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique

Pour Québec solidaire, la démission fracassant­e d’Émilise Lessard-Therrien du poste de co-porte-parole féminine est une bombe à fragmentat­ion. Elle égratigne le leadership du chef parlementa­ire Gabriel Nadeau-Dubois et risque de démobilise­r des troupes déjà divisées.

Dans un long message-choc publié lundi à l’aube sur les médias sociaux, Mme Lessard-Therrien n’a vraiment pas fait dans la dentelle. En cinq mois seulement, écrit-elle, elle aurait perdu ses illusions, se serait butée à des blocages organisati­onnels majeurs et à un chef qui ne l’aurait pas soutenue.

D’où sa démission, précise-t-elle, pour cause d’épuisement total. Parce que la charge est spectacula­ire et détaillée, elle fait inévitable­ment mal à QS.

Pour un parti tiraillé par sa performanc­e décevante aux élections de 2022 et la montée du Parti Québécois dans les sondages, c’est la goutte de trop.

Si les solidaires sont sages, elle les forcera néanmoins à se ressaisir. Entre autres enjeux, il faudra bien qu’ils revoient leur mode de direction bicéphale.

Cela dit, pour ce qui est de Mme Lessard-Therrien, le ver dans la pomme était aussi dans l’élection trop serrée par les membres d’une co-porte-parole non-députée et résidant très loin de la capitale et de la métropole.

Choisie au deuxième tour par 50,3 % des délégués contre la députée Ruba Ghazal à 49,7 %, une part importante de la base en est sortie morose.

Que Mme Lessard-Therrien ne soit plus députée allait la rendre nettement moins visible alors que sa mission était de « vendre » son parti en région. Des ressources internes insuffisan­tes pour la soutenir ont fait le reste.

Que la greffe avec l’establishm­ent de QS n’ait jamais pris non plus s’est avéré le coup fatal. À preuve...

Au-delà des versions des uns et des autres, la démission de Mme Lessard-Therrien confirme que la politique partisane est un écosystème brutal pour les idéalistes et les rebelles dans l’âme.

C’est dans la nature même de la bête de les avaler. Encore plus, semble-t-il toujours, pour les femmes. Les doléances de Mme Lessard-Therrien se font d’ailleurs l’écho de celles de l’ex-députée Catherine Dorion.

ASSIDU ET RIGOUREUX

Même si le départ de Mme Lessard-Therrien ébranle le leadership de GND, il serait toutefois injuste de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Comme chef parlementa­ire, GND fait un travail assidu et rigoureux. Qu’il veuille « profession­naliser » le fonctionne­ment de QS se justifie également.

QS est un parti dont l’idéologie plus progressis­te est une voix nécessaire à l’Assemblée nationale, mais pour durer dans le temps, GND sait qu’il lui faut le doter d’un modus operandi interne plus « profession­nel ».

Un autre méchant problème pour lui est qu’à l’opposition, la popularité du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon lui fait de l’ombre.

Beaucoup d’ombre.

Dans ce contexte, devoir gérer des dissension­s internes sur la place publique est bien la dernière chose dont il avait besoin.

Gabriel Nadeau-Dubois dit prendre sa « part de responsabi­lité » pour la démission de sa co-porte-parole, mais jure du même coup que son parti n’est « pas en crise ».

Or, il l’est. Le résultat se verra à la manière dont le chef, ses instances et son caucus réussiront ou non à la dénouer.

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ?? Dans un long message-choc publié lundi à l’aube sur les médias sociaux pour annoncer sa démission, Émilise Lessard-Therrien n’a vraiment pas fait dans la dentelle.
Dans un long message-choc publié lundi à l’aube sur les médias sociaux pour annoncer sa démission, Émilise Lessard-Therrien n’a vraiment pas fait dans la dentelle.

Newspapers in French

Newspapers from Canada