Le mauvais film de notre réseau de la santé
La saga qui se joue année après année entre les médecins et le gouvernement donne l’impression d’écouter encore et encore le même mauvais film. Ces jours-ci, le film porte sur le Guichet d’accès à la première ligne, le GAP.
Rappelons que le GAP est un mécanisme de primes aux médecins dont la mise en place aura coûté 100 M$. Il s’agit du moyen palliatif par lequel près d’un million de patientes et de patients orphelins ont été inscrits auprès de Groupes de médecine familiale, les GMF.
Au-delà des inscriptions, le GAP déçoit lorsque vient le temps d’obtenir un vrai rendez-vous. Le gouvernement menace donc de retirer la prime, et les médecins menacent de lâcher le GAP.
MÉDECINE À DEUX VITESSES
Cette situation malheureuse est révélatrice d’un mal profond qui mine depuis longtemps l’efficacité de notre réseau, qu’on n’a jamais réussi à régler, malgré la multiplicité d’ententes particulières, de règlements et de primes. Les médecins sont toujours des travailleurs autonomes qui peuvent de surcroît s’incorporer. De plus, ils sont majoritairement rémunérés à l’acte, un système d’une complexité inouïe où on retrouve 11 000 différents codes de rémunération.
Tous les Québécois savent que l’accès à un médecin en première ligne est largement déficient au Québec. Cette inefficacité de la première ligne engendre une série de phénomènes néfastes en cascade, à commencer par le recours indu aux urgences.
Par ailleurs, plus de 500 médecins de famille sont maintenant désaffiliés de la RAMQ, ce qui entraîne la formation d’un réseau parallèle entièrement privé qui vampirise les ressources du public.
Pour la CSN, ce modèle révèle une vision entrepreneuriale de la médecine. Pour que notre réseau de santé soit réellement efficace, il doit être vraiment public de l’organisation à la prestation de soins.
Le but d’un réseau de santé et de services sociaux doit en tout temps demeurer le bien-être de la population et non pas celui d’intérêts individuels ou pécuniaires. Il est donc impératif de revoir le statut et le mode de rémunération des médecins et d’enfin en finir avec la médecine à deux vitesses.
PREMIÈRE LIGNE
Tant que les réformes passeront à côté de ce problème de fond et que les gouvernements n’auront pas le courage d’agir sur cette question, nous serons condamnés à constater l’effritement, toujours grandissant, de la première ligne et, en parallèle, à observer une première ligne entièrement privée se développer.
Le gouvernement trouvera plusieurs alliés s’il a le courage de s’attaquer à cette problématique, à commencer parmi les médecins eux-mêmes. Sans doute nombreux sont les médecins qui préféreraient faire de la médecine plutôt que de gérer des cliniques ou qui accepteraient que l’on accroisse leur nombre en contrepartie d’un meilleur contrôle de leur rémunération.
Le Québec est allé au bout de ce modèle à deux vitesses, il est temps de le changer et de mettre en place un réseau de la santé et des services sociaux vraiment public !