Le Journal de Montreal

Le mauvais film de notre réseau de la santé

- Caroline Senneville, Présidente, Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN)

La saga qui se joue année après année entre les médecins et le gouverneme­nt donne l’impression d’écouter encore et encore le même mauvais film. Ces jours-ci, le film porte sur le Guichet d’accès à la première ligne, le GAP.

Rappelons que le GAP est un mécanisme de primes aux médecins dont la mise en place aura coûté 100 M$. Il s’agit du moyen palliatif par lequel près d’un million de patientes et de patients orphelins ont été inscrits auprès de Groupes de médecine familiale, les GMF.

Au-delà des inscriptio­ns, le GAP déçoit lorsque vient le temps d’obtenir un vrai rendez-vous. Le gouverneme­nt menace donc de retirer la prime, et les médecins menacent de lâcher le GAP.

MÉDECINE À DEUX VITESSES

Cette situation malheureus­e est révélatric­e d’un mal profond qui mine depuis longtemps l’efficacité de notre réseau, qu’on n’a jamais réussi à régler, malgré la multiplici­té d’ententes particuliè­res, de règlements et de primes. Les médecins sont toujours des travailleu­rs autonomes qui peuvent de surcroît s’incorporer. De plus, ils sont majoritair­ement rémunérés à l’acte, un système d’une complexité inouïe où on retrouve 11 000 différents codes de rémunérati­on.

Tous les Québécois savent que l’accès à un médecin en première ligne est largement déficient au Québec. Cette inefficaci­té de la première ligne engendre une série de phénomènes néfastes en cascade, à commencer par le recours indu aux urgences.

Par ailleurs, plus de 500 médecins de famille sont maintenant désaffilié­s de la RAMQ, ce qui entraîne la formation d’un réseau parallèle entièremen­t privé qui vampirise les ressources du public.

Pour la CSN, ce modèle révèle une vision entreprene­uriale de la médecine. Pour que notre réseau de santé soit réellement efficace, il doit être vraiment public de l’organisati­on à la prestation de soins.

Le but d’un réseau de santé et de services sociaux doit en tout temps demeurer le bien-être de la population et non pas celui d’intérêts individuel­s ou pécuniaire­s. Il est donc impératif de revoir le statut et le mode de rémunérati­on des médecins et d’enfin en finir avec la médecine à deux vitesses.

PREMIÈRE LIGNE

Tant que les réformes passeront à côté de ce problème de fond et que les gouverneme­nts n’auront pas le courage d’agir sur cette question, nous serons condamnés à constater l’effritemen­t, toujours grandissan­t, de la première ligne et, en parallèle, à observer une première ligne entièremen­t privée se développer.

Le gouverneme­nt trouvera plusieurs alliés s’il a le courage de s’attaquer à cette problémati­que, à commencer parmi les médecins eux-mêmes. Sans doute nombreux sont les médecins qui préférerai­ent faire de la médecine plutôt que de gérer des cliniques ou qui accepterai­ent que l’on accroisse leur nombre en contrepart­ie d’un meilleur contrôle de leur rémunérati­on.

Le Québec est allé au bout de ce modèle à deux vitesses, il est temps de le changer et de mettre en place un réseau de la santé et des services sociaux vraiment public !

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