Le Journal de Montreal

Merci de partager Jean-Pierre avec nous

- Sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Le cinéaste Gilles Carle a eu droit à des funéraille­s nationales. Le peintre Jean-Paul Riopelle aussi. Et le poète Gaston Miron y a eu droit également.

C’était donc la moindre des choses que Jean-Pierre Ferland, dont les chansons étaient des petits films, qui peignait les paysages du Québec et qui insufflait de la poésie dans la chanson, ait droit lui aussi à des funéraille­s nationales. Normal que la nation lui rende un hommage, organisé de A à Z par l’État.

François Legault l’a proposé dimanche. La famille a dit oui lundi.

Mais il aurait aussi été tout à fait compréhens­ible que la famille décline. Je vous explique pourquoi...

HEY, BOULE DE GOMME

Imaginez que votre père est JeanPierre Ferland. Toujours parti en tournée, ou en train de faire la fête jusqu’au petit matin, ou d’enregistre­r un disque ou une émission de télé.

Il n’est pas forcément le père le plus présent qui soit, pas autant peut-être que vous l’auriez souhaité. Chaque fois que vous sortez avec lui en public, des admirateur­s (et admiratric­es) viennent le saluer, vous empêchant de profiter de simples moments d’intimité. Même une simple visite au bar laitier pour partager une crème glacée, et vous êtes assaillis par des fans qui veulent un morceau de « leur » Jean-Pierre. Un mot, un autographe, une photo.

Vous devez « partager » votre « Jean-Père ».

Imaginez maintenant que votre amoureux est Jean-Pierre Ferland. Il est toujours parti en tournée, ou en train de faire la fête jusqu’au petit matin (et pas toujours avec vous), ou d’enregistre­r un disque ou une émission de télé. Il vous écrit des belles chansons d’amour, rien que pour vous. T’es belle, Ton visage... Mais chaque fois qu’une femme le rencontre, elle s’imagine que c’est pour elle que Jean-Pierre l’a écrite. De parfaites inconnues disent « Je vous aime » à l’homme que vous aimez.

Imaginez, donc, que vous êtes un proche de Jean-Pierre et que tous les Québécois pensent qu’il leur appartient.

Ce serait tout à fait compréhens­ible que vous décidiez que c’est maintenant votre tour, après la mort, de retrouver votre Jean-Pierre, dans le cercle intime de votre vie de famille.

LA CÉRÉMONIE DES ADIEUX

Les membres de la famille auraient très bien pu décider de se « réappropri­er » leur Jean-Pierre avec des funéraille­s « familiales » et non « nationales ». Choisir de lui rendre un dernier hommage en toute intimité, sur invitation seulement, pour reprendre un peu du temps « volé ».

Bruno Ferland l’a dit à Radio-Canada : « Au début je n’étais pas pour ça [des funéraille­s nationales], mais depuis deux jours, je comprends – oui, il mérite des funéraille­s nationales. Je pense que c’est ça que les gens veulent, lui dire un dernier salut. »

On l’a vu aux funéraille­s de Brian Mulroney récemment, la famille est très sollicitée lors de la chapelle ardente, vivant en public un deuil qu’elle aurait peut-être préféré vivre en privé.

Je pense donc que nous devons tous remercier la famille d’avoir accepté ce grand déploiemen­t d’amour pour Jean-Pierre Ferland. C’est de leur part un geste d’une très grande générosité.

Merci, Julie-Anne Saumur, merci, Bruno Ferland et merci, Julie Ferland. Merci d’accepter de « partager » une dernière fois votre Jean-Pierre avec nous.

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