Le Journal de Montreal

Un signal envoyé au géant Loblaw

Des Québécois participen­t au mouvement de boycottage en boudant des enseignes telles que Provigo et Maxi

- JULIEN MCEVOY – Avec la collaborat­ion de Gabriel Côté et de Francis Halin

Loblaw fait 5,5 M$ de profit chaque jour depuis le début de l’année, a déclaré le géant ontarien de l’alimentati­on, hier, alors que débutait le boycottage de ses magasins par des consommate­urs en furie qui se tournent vers les épiceries indépendan­tes encore en vie.

« Je ne les ai pas dans mon coeur. Je comprends la hargne dans le reste du Canada », confie Jérôme Godbout, un jeune profession­nel de Québec, au sujet des nombreuses enseignes de Loblaw.

C’est sur Reddit que le père de famille de 31 ans a eu vent du mouvement. Plus de 60 000 Canadiens font partie d’un forum de discussion où les consommate­urs sont incités à boycotter Loblaw pendant le mois de mai.

Le groupe demande au géant de n’imposer aucune augmentati­on de prix en 2024. Son objectif est d’obtenir des engagement­s en faveur de prix abordables ainsi que des plafonds de prix pour les produits essentiels.

« Il faut leur envoyer un signal. Ne nous prenez pas pour acquis », dénonce le Québécois, qui ne se rendra ni chez Provigo ni chez Maxi pendant 31 jours.

Le mouvement aurait tout aussi bien pu viser Metro ou IGA, dit-il, car le message s’adresse aussi aux deux autres géants du secteur.

« Ils ont raison ! Faut que les gens se mettent ensemble pour leur dire que ça suffit », souffle pour sa part Camilien Dubé, 76 ans.

Le résident de la Rive-Sud de Montréal ne voudrait pas avoir une famille à nourrir actuelleme­nt. « J’ai été dans cette situation et je me demande comment les gens font pour arriver », dit-il, plein de compassion.

DES GAULOIS ENCORE EN VIE

Au Québec, le boycottage des enseignes de Loblaw prend moins d’ampleur, peutêtre en raison de la présence importante de la chaîne Maxi, parmi les moins chères du marché.

Les prix exorbitant­s des aliments poussent tout de même de plus en plus de consommate­urs à se tourner vers les épiceries indépendan­tes, même si elles ne sont pas légion.

« On voit le profil de notre clientèle changer », constate Mélissa Laflamme, de Panier Extra, une épicerie qui vend des produits à prix modeste dans Duberger, à Québec.

Le propriétai­re, qui est aussi son père, parle de ventes en hausse de 40 % depuis un an. « Ce ne sont plus juste des gens moins favorisés qui viennent ici, c’est vraiment rendu monsieur madame Toutle-Monde », observe Sylvain Laflamme.

Nul besoin d’être une grande chaîne pour afficher des prix compétitif­s, ajoute Patricia Chouinard, directrice des opérations des Supermarch­és PA.

La chaîne indépendan­te compte cinq épiceries dans la région de Montréal et n’achète aucune denrée dans les entrepôts des trois géants du secteur.

Ses bons prix, bien connus dans l’île, sont possibles grâce à son armée d’acheteurs qui débusquent des fournisseu­rs parfois méconnus.

« Certains n’ont pas le volume pour vendre aux plus grandes chaînes », explique la gestionnai­re.

Les Supermarch­és PA s’adaptent aussi mieux à leur clientèle, dit-elle. L’épicerie de Laval tient davantage de produits du Moyen-Orient alors que celle du centrevill­e est davantage spécialisé­e en produits asiatiques, par exemple.

Une autre demande du groupe Reddit nommé « Loblaw est hors de contrôle » est la signature du code de conduite de l’industrie par le géant ontarien.

Loblaw et Walmart ont déjà indiqué qu’ils ne signeraien­t pas la première version de ce code volontaire, car il pourrait entraîner une hausse de prix.

LOBLAW CHANGE DE TON

Per Bank, PDG de Loblaw, a changé de ton, hier, lors de l’annonce des résultats de l’entreprise.

« Je suis plus optimiste aujourd’hui qu’auparavant quant à la possibilit­é de parvenir à un accord sur le code », a-t-il déclaré.

C’était l’occasion pour Loblaw de faire le point sur les trois premiers mois de 2024. Les revenus ont atteint 13,58 milliards de dollars, en hausse de 4,5 %.

En 84 jours, les profits ont été de 459 M$, un bond de 10 %. La moyenne quotidienn­e du gain pour 2024 est donc de 5,5 M$.

Mardi, M. Bank a dit « vouloir s’attaquer » à la question des hausses de prix.

« ILS ONT RAISON ! FAUT QUE LES GENS SE METTENT ENSEMBLE POUR LEUR DIRE QUE ÇA SUFFIT. »

– Camilien Dubé, retraité

 ?? PHOTO FRANCIS HALIN ?? Camilien Dubé, un résident de la Montérégie âgé de 76 ans, plaint le sort des jeunes ménages québécois avec enfants. Il se demande comment ils font pour joindre les deux bouts.
PHOTO FRANCIS HALIN Camilien Dubé, un résident de la Montérégie âgé de 76 ans, plaint le sort des jeunes ménages québécois avec enfants. Il se demande comment ils font pour joindre les deux bouts.

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