La Caisse et l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth rappelés à l’ordre par un tribunal
Le gestionnaire de l’établissement propriété de la CDPQ filmait les allées et venues à l’entrée du local syndical
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth, dont elle est propriétaire, sont éclaboussés par le Tribunal administratif du travail à la suite d’une série de décisions jugées antisyndicales par des employés.
Dans un jugement, prononcé d’urgence la semaine dernière, le Tribunal administratif ordonne entre autres à la CDPQ et à la société française Accor, gestionnaire de l’hôtel de luxe montréalais, de mettre fin à l’utilisation de caméras leur permettant d’observer les allées et venues du local syndical des employés.
« C’est un cas flagrant à mon avis d’une entreprise qui souhaite mettre des bâtons dans les roues à un syndicat, a déclaré en entrevue la présidente de la CSN, Caroline Senneville. En plus de 20 ans de syndicalisme, je n’ai personnellement jamais été mise au courant d’une chose pareille. »
600 SALARIÉS
L’hôtel de luxe de 950 chambres, construit en 1958, constitue l’une des fiertés du portefeuille immobilier d’Ivanhoé Cambridge, la division immobilière de la CDPQ. L’établissement emploie aujourd’hui 600 travailleurs, des femmes de chambre, des employés de la réception, des serveurs et cuisiniers, etc., tous syndiqués et représentés par la CSN.
Au retour des Fêtes, en janvier, ces derniers ont eu la mauvaise surprise de constater que de nouvelles caméras de surveillance avaient été installées dans des aires réservées aux employés, dont certaines pointant directement sur la porte d’entrée d’un local du sous-sol servant de bureau du syndicat.
« Nous nous sentions déjà observés avant. Mais là, c’est la goutte qui a fait déborder le vase », a confié au Journal un employé de longue date qui, par crainte de représailles, a demandé de taire son nom.
« Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles un employé peut vouloir parler à son syndicat.
Ça peut être pour s’informer de vacances et de la retraite, s’impliquer dans le syndicat, ou encore pour présenter un grief. Avec une caméra qui pointe sur la porte du bureau, c’est certain qu’on est tous plus craintifs de nous y pointer. »
L’HÔTEL SE DÉFEND
La Caisse de dépôt a refusé de se prononcer sur la situation, nous recommandant au gestionnaire de l’hôtel. En entrevue, son directeur général David Connor s’est défendu d’avoir commis un geste antisyndical.
Ce dernier précise que l’hôtel compte plus de 200 caméras de surveillance et que l’ajout des caméras en question n’avait pour but que de renforcer la sécurité des lieux après que des vols furent constatés et que des sans-abris se soient introduits dans l’hôtel en empruntant l’entrée des employés. Il ajoute que l’orientation des lentilles de caméras a été modifiée à six reprises depuis afin d’éviter que la porte du local syndical ne soit filmée.
Qu’à cela ne tienne, dans son jugement, le juge François Demers reconnaît le droit d’un employeur de sécuriser ses installations. Mais ce dernier, dit-il, doit le faire dans le respect du droit des salariés de participer aux activités de leur syndicat sans se sentir intimidés par la présence d’une caméra, qu’elle soit fonctionnelle ou non.
Finalement, le juge a ordonné à l’hôtel en outre de « cesser d’utiliser toute caméra permettant de voir la porte donnant accès au local du syndicat » et lui a demandé de diffuser à l’ensemble de salariés visés copie de l’ordonnance provisoire prononcée par le Tribunal du travail.
La direction de l’hôtel a déclaré au Journal avoir l’intention de respecter le jugement rendu, et de retirer ou déplacer les caméras en question afin qu’elles ne posent plus problème.