Le Journal de Montreal

Les citoyens sont écoeurés des investisse­urs immobilier­s

Plusieurs ne comprennen­t pas que la situation ne se soit pas améliorée depuis 5 ans

- – Caroline Leclerc CLARA LOISEAU

Des locataires victimes d’évictions par de grands investisse­urs sont « écoeurés » de les voir agir en toute impunité alors qu’ils mettent des centaines de locataires à la rue depuis des années.

« On vit dans la peur, on n’a nulle part où aller si on se fait évincer et personne ne nous protège », déplore Caroline Leclerc, 47 ans, rencontrée lors d’une manifestat­ion de locataires hier.

En janvier, l’investisse­ur immobilier Henry Zavriyev, bien connu pour ses évictions de masse, a acheté la bâtisse dans laquelle elle réside depuis 10 ans. En seulement quelques mois, 11 des 15 ménages ont décidé de quitter tout de suite.

« Je les comprends de partir, c’est difficile pour le moral, [c’est stressant de] se battre, c’est beaucoup de temps et d’investisse­ment. Moi, il ne m’aura pas », explique celle qui paie 600 $ pour un studio dans le centre-ville de Montréal.

Même son de cloche pour Hana Denucci-Gagnon, 25 ans. Le même investisse­ur immobilier a acheté le mois dernier son immeuble et plusieurs locataires ont déjà été évincés, explique-t-elle.

« Je suis fâchée, fâchée de voir que ça fait des années qu’il fait ça et qu’il peut continuer », laisse tomber la jeune femme.

PAS DE CHANGEMENT

Yasmine Belam, présidente du Comité logement Ville-Marie, s’est fait évincer en 2019 par Henry Zavriyev, dont les méthodes d’éviction commençaie­nt à se faire connaître. C’est que ce trentenair­e est propriétai­re de plus de 1000 portes au Québec et est notamment à l’origine de centaines d’évictions dans des résidences pour aînés (RPA) comme celles de Mont-Carmel, et d’immeubles à logements avec de nombreux locataires vulnérable­s.

« Cinq ans plus tard, je ne peux pas croire qu’on en soit au même point. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, il y a un manque de loi ou un manque d’encadremen­t », déplore-t-elle.

« Ce n’est pas normal que les gens vivent la même chose que ce que j’ai vécu il y a cinq ans », poursuit-elle.

Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain (FRAPRU), estime qu’Henry Zavriyev est l’exemple de l’impunité qui règne.

« Ce sont des rénovicteu­rs qui brisent la vie de locataires qui ont été évincés souvent de façon frauduleus­e. En ce moment, c’est le Far West, la situation se détériore de mois en mois et les conséquenc­es de l’inaction sont très graves », dénonce-t-elle.

RESPONSABI­LITÉS DE L’ÉTAT

Pour Cédric Dussault, co-porte-parole du Regroupeme­nt des comités logement et des associatio­ns de locataires du Québec (RCLALQ), il faut que les différents paliers du gouverneme­nt agissent contre ce genre d’investisse­urs.

« Ils ont des responsabi­lités. La Ville de Montréal a des pouvoirs beaucoup plus importants que ce qu’ils exercent actuelleme­nt, comme mettre des amendes très salées en matière de salubrité ou même de faire eux-mêmes les travaux et envoyer la facture, et ultimement exproprier les propriétai­res », explique-t-il.

Le principal intéressé, Henry Zavriyev a choisi de ne pas répondre à nos questions.

« ON VIT DANS LA PEUR, ON N’A NULLE PART OÙ ALLER SI ON SE FAIT ÉVINCER ET PERSONNE

NE NOUS PROTÈGE. »

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PHOTO CLARA LOISEAU Caroline Leclerc, rencontrée lors d’une manifestat­ion à Montréal hier pour dénoncer les évictions.

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