La « privatisation tranquille » de l’énergie au Québec
Des bornes de recharge électrique déployées par Hydro-Québec et qui seront ensuite privatisées, le laboratoire d’essais haute-tension de Varennes qui sera privatisé. Ce ne sont que les plus récentes nouvelles qui signalent une privatisation insidieuse de notre énergie.
Pourtant, l’énergie est un bien public. Elle est vitale pour la plupart de nos besoins essentiels, dont le logement, l’alimentation et la santé. C’est le sang qui irrigue les veines de l’économie du Québec. C’est une richesse collective.
Mais depuis plusieurs mois, le gouvernement indique aussi qu’il confiera la production d’énergie renouvelable presque exclusivement au secteur privé. Il annonce de nouveaux projets – comme celui de TES Canada en Mauricie – qui élargissent indûment la notion d’« autoproduction » d’énergie pour faire plus de place au secteur privé. C’est un cheval de Troie.
SECTEUR PRIVÉ
Le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon a écrit dans une lettre ouverte cette semaine que ce n’est pas le rôle des experts ni du gouvernement d’évaluer la rentabilité d’un projet privé comme celui de TES, et qu’il faut s’en remettre entièrement à l’entreprise privée pour ce faire.
Le ministre aime rappeler qu’il y a des « occasions d’affaires inégalées » pour le secteur privé dans le domaine de l’énergie. Mais on n’a pas lu, dans sa lettre, les expressions « intérêt public » et « rentabilité pour les Québécoises et les Québécois ».
Depuis la création d’Hydro-Québec en 1944 et la nationalisation de l’électricité en 1963, l’énergie a été un instrument d’affirmation nationale et un formidable levier pour la maîtrise de notre destinée économique. D’où le slogan « Maîtres chez nous » de la campagne électorale de 1962 dont l’enjeu principal était cette nationalisation.
Aujourd’hui, c’est malheureusement notre propre gouvernement qui tente de créer un mythe, celui que nous ne sommes plus capables de nous occuper nous-mêmes d’énergie. On entend depuis des mois le ministre Fitzgibbon nous dire qu’Hydro-Québec ne peut pas, qu’elle n’est pas capable, qu’il faut inévitablement laisser le secteur privé s’en occuper. Il a par contre qualifié le projet privé de TES Canada de « magique », rien de moins.
La place du privé, ce n’est pas une fatalité, c’est un choix politique.
OUI, ON PEUT
Oui, les défis sont grands. Les prévisions actuelles font état d’investissements massifs et d’augmentation sans précédent de la puissance installée.
Mais ne l’oublions pas : Hydro-Québec a été créée et l’électricité a été nationalisée parce que nous nous faisions manger la laine sur le dos par des entreprises qui dominaient la production, le transport et la distribution d’électricité. Ceux qui ont mené la nationalisation – dont René Lévesque et Jacques Parizeau – se sont fait dire que nous n’étions pas capables. Or nous l’étions, et nous le sommes encore. Qu’on cesse de tenir pour acquis que le privé est mieux placé qu’Hydro-Québec, pourtant leader dans ce domaine.
Au Parti Québécois, nous ne pensons pas que la privatisation du secteur de l’énergie, qu’elle soit réalisée à visière levée ou qu’elle arrive plus insidieusement, est dans l’intérêt du Québec. Le gouvernement n’a toujours pas de plan en matière d’énergie et ne peut pas procéder au démantèlement à la pièce de l’héritage de René Lévesque. Il n’a pas consulté les Québécois, qui n’y ont pas consenti.
Le Québec compte parmi les géants de la planète en matière d’énergie. Oui, on est capables de prendre nousmêmes en main notre avenir énergétique.
Pascal Paradis, Député de Jean-Talon et porte-parole, Parti Québécois en matière d’Énergie