Le Journal de Montreal

François Legault, le nouveau shérif en ville

- Philippe.leger @quebecorme­dia.com

C’est la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, qui aurait la meilleure réponse à donner à son premier ministre après qu’il a demandé de démanteler le campement propalesti­nien établi à l’Université McGill.

La ministre Guilbault aurait pu lui dire : mais, M. Legault, vous n’avez pas à jouer au politicien-shérif, l’État québécois n’a pas à gérer les opérations de la police de Montréal, comme l’État québécois n’a pas à gérer les sociétés de transport collectif. Je l’ai pourtant bien dit, la semaine dernière, non ?

Elle aurait même pu ajouter : que tout le monde s’occupe de sa « fougère ».

PAS SON RÔLE

Voici les mots utilisés par le PM, ce jeudi, puis répété vendredi : « Je m’attends à ce que les policiers défassent ces campements qui sont illégaux, c’est ce que McGill a demandé ».

En anglais, plus direct, il demandait directemen­t aux policiers de démanteler les campements. Manu militari. Tout en disant qu’il allait « laisser quand même les policiers décider comment et puis quand ils font ça ».

Pas besoin d’être un enquêteur pour comprendre que le PM exerce là une pression pour que les forces policières entrent dans le tas.

C’est une évidence : le premier ministre n’a pas à appeler à une interventi­on policière sur un campus universita­ire. On est au coeur ici de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif que représente le PM.

Il devrait le savoir et sa fonction exige l’exemplarit­é.

Le Rubicon franchi

On accuse souvent injustemen­t le gouverneme­nt Legault de se foutre des chartes, en raison de son utilisatio­n de la clause dérogatoir­e pour protéger la loi 21 et loi 96 de contestati­ons judiciaire­s.

Certains l’accusent carrément de s’en prendre à l’État de droit.

Ces accusation­s sont exagérées et fausses. La clause dérogatoir­e est tout à fait légale et légitime.

Mais, dans ce cas-ci, en faisant pression sur la police pour agir sur une manifestat­ion, somme toute pacifique selon les témoignage­s, François Legault franchit un Rubicon.

Ici, ce n’est pas la question de savoir ce que vous pensez de la politique de Benyamin Nétanyahou à Gaza. Ce n’est pas non plus une question de ce que vous pensez du campement à McGill. Ou si on est en accord avec les voeux du PM.

C’est simplement tenir au fait et au principe que ce n’est pas à notre premier ministre de commander une opération policière.

Il faut voir les images qui nous proviennen­t des campus américains pour comprendre que la prudence est de mise. Et que foncer dans le tas n’est pas la solution idéale.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le PM Legault intervient maladroite­ment sur un dossier délicat. Et qu’il met de l’huile sur le feu.

L’ironie, c’est que bien souvent, ses ministres intervienn­ent de façon plus exemplaire et plus précise que leur patron.

C’est le cas ici. L’exemplaire ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a exprimé ceci sur X. « Le campement ne respecte pas les politiques et règlements internes de McGill. Les forces policières ont un rôle à jouer pour assurer la sécurité et le respect des règles. On a confiance en leur travail et leur jugement. »

Le PM aurait clairement pu et dû reprendre ces mots.

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