François Legault, le nouveau shérif en ville
C’est la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, qui aurait la meilleure réponse à donner à son premier ministre après qu’il a demandé de démanteler le campement propalestinien établi à l’Université McGill.
La ministre Guilbault aurait pu lui dire : mais, M. Legault, vous n’avez pas à jouer au politicien-shérif, l’État québécois n’a pas à gérer les opérations de la police de Montréal, comme l’État québécois n’a pas à gérer les sociétés de transport collectif. Je l’ai pourtant bien dit, la semaine dernière, non ?
Elle aurait même pu ajouter : que tout le monde s’occupe de sa « fougère ».
PAS SON RÔLE
Voici les mots utilisés par le PM, ce jeudi, puis répété vendredi : « Je m’attends à ce que les policiers défassent ces campements qui sont illégaux, c’est ce que McGill a demandé ».
En anglais, plus direct, il demandait directement aux policiers de démanteler les campements. Manu militari. Tout en disant qu’il allait « laisser quand même les policiers décider comment et puis quand ils font ça ».
Pas besoin d’être un enquêteur pour comprendre que le PM exerce là une pression pour que les forces policières entrent dans le tas.
C’est une évidence : le premier ministre n’a pas à appeler à une intervention policière sur un campus universitaire. On est au coeur ici de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif que représente le PM.
Il devrait le savoir et sa fonction exige l’exemplarité.
Le Rubicon franchi
On accuse souvent injustement le gouvernement Legault de se foutre des chartes, en raison de son utilisation de la clause dérogatoire pour protéger la loi 21 et loi 96 de contestations judiciaires.
Certains l’accusent carrément de s’en prendre à l’État de droit.
Ces accusations sont exagérées et fausses. La clause dérogatoire est tout à fait légale et légitime.
Mais, dans ce cas-ci, en faisant pression sur la police pour agir sur une manifestation, somme toute pacifique selon les témoignages, François Legault franchit un Rubicon.
Ici, ce n’est pas la question de savoir ce que vous pensez de la politique de Benyamin Nétanyahou à Gaza. Ce n’est pas non plus une question de ce que vous pensez du campement à McGill. Ou si on est en accord avec les voeux du PM.
C’est simplement tenir au fait et au principe que ce n’est pas à notre premier ministre de commander une opération policière.
Il faut voir les images qui nous proviennent des campus américains pour comprendre que la prudence est de mise. Et que foncer dans le tas n’est pas la solution idéale.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le PM Legault intervient maladroitement sur un dossier délicat. Et qu’il met de l’huile sur le feu.
L’ironie, c’est que bien souvent, ses ministres interviennent de façon plus exemplaire et plus précise que leur patron.
C’est le cas ici. L’exemplaire ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a exprimé ceci sur X. « Le campement ne respecte pas les politiques et règlements internes de McGill. Les forces policières ont un rôle à jouer pour assurer la sécurité et le respect des règles. On a confiance en leur travail et leur jugement. »
Le PM aurait clairement pu et dû reprendre ces mots.