Des virtuoses du piano impressionnent
Montréal accueille 24 des meilleurs jeunes pianistes du monde à l’occasion du Concours musical international
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine. Montréal accueille en ce moment 24 des meilleurs jeunes pianistes du monde à l’occasion du Concours musical international de Montréal. J’ai décidé de lancer le défi à ces virtuoses de jouer dans l’antithèse de la Maison symphonique : un bar achalandé du Plateau.
Êtes-vous déjà allé à la Maison symphonique de Montréal ? Son acoustique est si formidable que, dans le silence, on y entend quelqu’un respirer à cent mètres.
Mercredi soir, au Bily Kun, un fameux bar de l’avenue du Mont-Royal, c’était le contraire du silence religieux typique de la scène classique : un brouhaha de rires et de voix.
Sous le regard des têtes d’autruches empaillées qui décorent les murs de l’endroit, deux pianistes aux carrières fulgurantes, bardés de prix et d’honneurs, ont joué pour Le Journal.
CHOPIN ET ABREU
« Je vais attaquer avec le Scherzo numéro un de Frédéric Chopin parce que c’est vigoureux et techniquement impressionnant », m’explique Jaeden Izik-Dzurko, un Britanno-Colombien qui fêtait ses 25 ans le soir de l’entrevue et qui comptait commencer sa soirée par un sandwich chez Schwartz.
Un des favoris du CMIM 2024, Izik-Dzurko était déjà finaliste en 2021, mais c’est alors la Coréenne Su Yeon Kim qui avait emporté les grands honneurs.
Nouvellement habitué à l’itinérance haut de gamme du musicien classique international, le jeune spécialiste de la musique romantique se produisait récemment à Zurich, à Budapest et à Barcelone. Il vit moitié en Allemagne, moitié en Italie.
GLADIATEURS DU CLAVIER
« Pour m’inscrire dans l’ambiance pleine d’énergie du bar, je vais jouer une transcription de Tico-Tico de Zequinha de Abreu par le pianiste Marc-André Hamelin », annonce pour sa part Élisabeth Pion.
Originaire d’Otterburn Park, la jeune femme de 28 ans remportait en octobre dernier le Festival international de piano de Rio de Janeiro au Brésil, notamment avec ce Tico-Tico que les Québécois associent à Alys Robi.
Elle habite maintenant à Londres et sera la vedette locale de cette édition qui reçoit principalement des talents du reste du monde.
Élisabeth Pion et Jaeden Izik-Dzurko se retrouveront-ils parmi les six finalistes du concours qui joueront avec l’OSM lors de la dernière épreuve ?
La lutte sera impitoyable.
Le concours s’étire sur 11 jours et comporte une succession de 12 représentations différentes : six pour la première ronde, quatre pour la demi-finale et deux pour la finale… sans compter une cérémonie de clôture.
LES HUMAINS AIMENT LA COMPÉTITION
« C’est assez primitif, mais je pense que les êtres humains aiment ça, les compétitions ! » philosophe en riant Élisabeth Pion.
Entendre du Chopin et du Abreu retentir dans le tumulte d’un 5 à 7 du Bily Kun avait quelque chose de surréaliste.
« Je suis musicien et je n’ai jamais entendu quelqu’un jouer avec autant de fougue et d’élégance dans un bar ! » s’exclame Daniel Connolly, du groupe folk Horsebath, qui était là par hasard.
Les cordes arthritiques du vieux piano droit du Bily Kun ne sont pas près d’oublier cette soirée.
Le gagnant du CMIM 2024 aura droit à plus de 200 000 $ en bourses et en prix, ainsi qu’à un album enregistré avec l’étiquette Steinway.