Le Journal de Montreal

La révolte sur les campus nuit à Biden

- richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

WASHINGTON | Cette course à la Maison-Blanche réunissait déjà tous les éléments pour la rendre captivante.

Un président de 81 ans, candidat à sa réélection, susceptibl­e à tout moment d’un faux pas risquant de faire culbuter sa campagne au complet.

Un ancien président, acrimonieu­x, incapable d’accepter sa défaite et devant parsemer ses rendez-vous avec les électeurs de présences en salle de tribunal pour se défendre d’avoir acheté le silence d’une pornstar.

Et même un Kennedy, mouton noir toutefois de la légendaire famille politique américaine, mais suffisamme­nt influent pour attirer à lui un nombre d’électeurs pouvant faire la différence entre la victoire de l’un et la défaite de l’autre.

Cela dit, aucune élection, aussi bien organisée soit-elle, n’est à l’abri de l’actualité, de ces événements imprévus qui viennent bouleverse­r les meilleures stratégies. L’explosion du mouvement de protestati­on sur les campus universita­ires cette semaine aura eu cet effet déstabilis­ateur.

L’EFFET « GAZA » SUR LA CAMPAGNE

On a vu, très tôt dans cette lutte pour la présidence, l’effet que la guerre à Gaza, amplifiée par les images de la dévastatio­n massive provoquée par l’offensive de l’armée israélienn­e, allait avoir sur une portion de l’électorat américain.

Joe Biden, en accourant vers Israël après l’assaut meurtrier du Hamas en octobre 2023, avait alors apporté un soutien sans nuance à la volonté de vengeance du gouverneme­nt du premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Conséquenc­e, des électeurs dégoûtés par la canonnade indiscrimi­née des population­s civiles palestinie­nnes qui s’en est suivie ont profité des primaires démocrates pour exprimer leur mécontente­ment.

Plus de 101 000 d’entre eux ont préféré voter uncommitte­d (non engagés) dans le Michigan plutôt que de soutenir le candidat de leur parti, le président sortant.

Dans le Wisconsin, le mois dernier, plus de 47 800 électeurs démocrates ont fait le même choix, résultat immanquabl­ement alarmant pour l’équipe de campagne de Joe Biden quand on se rappelle qu’il n’a battu Donald Trump en 2020 dans cet État que par 20 682 votes.

La révolte dans les université­s ne s’avère qu’une autre réaction au prolongeme­nt du conflit à Gaza avec ses victimes palestinie­nnes qui se comptent par dizaines de milliers.

TOUT À PERDRE

Ce mouvement de protestati­on constitue un immense embarras pour le président Biden. Défenseur avoué du droit d’associatio­n et de parole, il ne peut pas s’y opposer trop ouvertemen­t.

Tout au plus, la Maison-Blanche s’est-elle contentée de dénoncer les gestes de vandalisme et les harangues antisémite­s. L’appui inconditio­nnel que Joe Biden persiste toutefois à réitérer à Israël nourrit la colère des universita­ires, un malaise qui risque d’entraîner des conséquenc­es à long terme.

Ces jeunes électeurs qui font partie de la base naturelle du Parti démocrate s’en détachent, selon le tout dernier sondage de CNN publié le week-end dernier. Le retard de Biden sur Trump parmi les jeunes électeurs de 18 à 34 ans atteint maintenant 11 points.

Les enjeux de politique internatio­nale ont rarement fini par influencer le vote à une élection présidenti­elle. Il reste à voir si l’actuel conflit au Proche-Orient fera mentir la tradition.

À l’inverse, de manière indéniable, les enjeux nationaux secouent l’humeur des électeurs. D’un scrutin à l’autre, l’état de l’économie a toujours eu un impact majeur, ce qui pourrait être le cas, cette fois-ci encore, à voir le sentiment d’une majorité d’Américains que les affaires du pays vont mal, même si les principaux repères économique­s disent le contraire.

L’AVORTEMENT, TALON D’ACHILLE

L’accès à l’avortement pourrait toutefois être l’enjeu qui fera la différence le 5 novembre prochain. Déjà, lors des élections de mi-mandat en 2022, la mobilisati­on des électrices avait eu pour effet de couper le souffle à l’élan des républicai­ns.

Cette fois-ci, les démocrates tirent profit des limites qui se sont multipliée­s à travers les États-Unis à ce qu’ils appellent la « liberté de reproducti­on » pour stimuler l’engagement de leur électorat. Il fallait d’ailleurs entendre la vice-présidente, Kamala Harris, mercredi à Jacksonvil­le, en Floride, invoquer le nom de Donald Trump plus de 20 fois au cours de son discours.

Les électrices, espère-t-on, trouveront là une autre raison de s’opposer au retour de Trump à la Maison-Blanche.

L’appui inconditio­nnel que Joe Biden persiste toutefois à réitérer à Israël nourrit la colère des universita­ires

 ?? PHOTOS AFP ?? Les mouvements de contestati­on sont actuelleme­nt nombreux aux États-Unis. Plusieurs manifs ont eu lieu sur des campus. On voit des protestata­ires à l’université Columbia, à New York, mardi. En mortaise, on manifestai­t aussi pour le droit à l’avortement à Washington, le 24 avril.
PHOTOS AFP Les mouvements de contestati­on sont actuelleme­nt nombreux aux États-Unis. Plusieurs manifs ont eu lieu sur des campus. On voit des protestata­ires à l’université Columbia, à New York, mardi. En mortaise, on manifestai­t aussi pour le droit à l’avortement à Washington, le 24 avril.
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada