Le Journal de Montreal

Des grèves aux conséquenc­es graves

- Daniel Dufort, PDG de l’Institut économique de Montréal

Bien souvent, le mieux que le gouverneme­nt puisse faire afin de favoriser la croissance économique, c’est tout simplement de ne pas lui nuire. Le tout est d’autant plus pertinent que l’on prévoit cette année au Canada une croissance famélique de seulement 0,7 %.

Plutôt que de mettre en veilleuse ses idées susceptibl­es de favoriser l’inflation et de freiner la croissance économique, le gouverneme­nt fédéral compte plutôt interdire le recours aux travailleu­rs de remplaceme­nt lors d’une grève ou d’un lockout dans les entreprise­s à charte fédérale. C’est l’objectif du projet de loi C-58, déposé en novembre 2023.

Si une telle loi est adoptée, les Canadiens risquent de voir une détériorat­ion dans la qualité des services du secteur ferroviair­e, aérien, des télécommun­ications et bancaire, pour ne nommer que ceux-là.

Déjà, l’on voit poindre certains conflits de travail qui, sans l’apport des travailleu­rs de remplaceme­nt, pourraient paralyser une bonne partie du pays.

EMPREINTE ÉCONOMIQUE

En effet, le syndicat des Teamsters a obtenu deux mandats de grève touchant simultaném­ent les deux plus grands transporte­urs ferroviair­es du Canada, soit le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CPKC).

Cela représente une menace bien réelle pour nos PME, alors qu’elles ont été contrainte­s de faire face à de nombreuses difficulté­s dans la logistique de leur approvisio­nnement au cours des dernières années.

Et comme consommate­urs, nous avons déjà vu l’impact qu’un bris dans la chaîne d’approvisio­nnement finissait par occasionne­r au niveau du coût des biens de consommati­on.

L’empreinte économique de nos chemins de fer est gigantesqu­e.

En effet, Transports Canada évalue que cette industrie génère annuelleme­nt des revenus de l’ordre de 17,1 milliards de dollars en 2021. Ce n’est pas négligeabl­e. Mais ce qui est nettement plus pertinent, c’est qu’elle permet le transport de biens d’une valeur totalisant 380 milliards de dollars annuelleme­nt.

PASSAGERS

Outre la question des marchandis­es, il y a la question du transport des passagers. Ces grandes compagnies ferroviair­es détiennent des ententes avec les organisati­ons responsabl­es de la gestion des réseaux de trains de banlieue, telles qu’Exo à Montréal et Metrolinx à Toronto, ainsi qu’avec VIA Rail pour les grands trajets.

Si les travailleu­rs essentiels que sont les contrôleur­s de circulatio­n ferroviair­e tombent en grève et que l’on interdit le recours à des travailleu­rs de remplaceme­nt, par exemple, on peut s’attendre à ce que les réseaux de trains de banlieue doivent réduire considérab­lement leurs niveaux de service.

Heureuseme­nt, le projet de loi C-58 ne sera pas en vigueur lors de cette grève. Empêcher l’interventi­on de tout travailleu­r de remplaceme­nt lors d’une grève de cette ampleur serait complèteme­nt irresponsa­ble.

La littératur­e économique nous apprend que des projets de loi tels C-58 ont des conséquenc­es importante­s sur le marché du travail. Elles rendent les grèves plus fréquentes et elles en augmentent la durée.

Vu l’importance stratégiqu­e des secteurs d’activités assujettis à la réglementa­tion fédérale, la liste des conséquenc­es potentiell­es de C-58 sur la population est bien longue.

On pensera aux secteurs du transport aérien ou des télécommun­ications, qui sont cruciaux pour permettre à de nombreux Canadiens d’effectuer leur travail ou de rester en contact avec leurs proches.

C’est tout ce contexte qui nous fait craindre un sérieux parti pris de ce gouverneme­nt envers les dirigeants syndicaux, le tout au détriment de l’intérêt du plus grand nombre. Un gouverneme­nt fédéral responsabl­e aura vite fait de décréter un retour au travail pour tous.

Alors que l’économie canadienne mène une lutte aux pressions inflationn­istes, il est essentiel que le gouverneme­nt empêche une nouvelle dislocatio­n de nos chaînes logistique­s.

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