Clients floués par manque de concurrence
Les autorités fédérales vous incitent à porter plainte afin d’aider à restreindre les abus des grandes entreprises
Frais cachés, indication de prix partiel, faux avis positifs sur internet, produits recyclables qui ne le sont pas... Les entreprises commettent ces pratiques douteuses des milliers de fois, chaque année.
Anticoncurrentielles et trompeuses, elles sont dénoncées par la population au Bureau de la concurrence, qui choisit ou non d’enquêter. Bon an, mal an, plus de 6000 personnes portent plainte contre les Rogers, Keurig ou Cineplex de ce monde.
Ces indications trompeuses partagent le podium des principales plaintes de la population avec l’abus de position dominante, car le Canada « a un problème de concurrence ».
C’est ce qu’a reconnu sans se faire prier un sous-commissaire du Bureau de la concurrence, Anthony Durocher, dans un entretien avec Le Journal, cette semaine.
« On a finalement du momentum ,ilya beaucoup d’intérêt pour la concurrence depuis l’inflation et la crise d’abordabilité », s’est réjoui le diplômé en économie qui travaille pour l’organisme fédéral depuis 20 ans.
Il est vrai que le sujet de la concurrence et de son effet à la baisse sur les prix a le vent dans le dos. Mais le Canada est encore à des années-lumière d’une situation enviable.
LENTES AVANCÉES...
« On ne se compare pas encore aux ÉtatsUnis ou à l’Europe, mais on avance tranquillement », observe un expert en droit de la concurrence, Pierre Larouche, de l’Université de Montréal.
Un premier projet de loi, le C-56, a été adopté à la fin de 2023 avec pour conséquence de donner plus de pouvoir au Bureau de la concurrence afin d’enquêter et de mater les cas de fixation ou d’exagération des prix.
Un deuxième, le C-59, est à l’étude actuellement. Il vise entre autres à élargir les recours de la population contre les pratiques commerciales trompeuses.
Le professeur Larouche appuie les demandes du Bureau pour plus de marge de manoeuvre, mais réserve son jugement pour plus tard. Car le succès du commissaire Matthew Boswell et de son équipe est loin d’être acquis.
OPEN QUOI?
C’est bien connu, le Canada est le royaume de quelques grands groupes qui dominent l’économie, que ce soit dans les secteurs bancaire, des télécommunications ou de l’épicerie.
La mission du Bureau de la concurrence ne peut donc pas se résumer à réduire la facture de nos cellulaires, de nos frais d’utilisation pour le compte-chèques ou de la livre de beurre. Il faut aussi éduquer les élus afin que nos lois soient plus mordantes. Le combat pour un système bancaire ouvert est un bon exemple.
Déjà la norme dans presque tous les pays d’Occident, l’« open banking » permet aux consommateurs de changer plus facilement de banque, ou du moins offre une menace plus crédible qui fait bouger les grands acteurs.
« Le client peut amener ses données avec lui sans pénalité », explique Anthony Durocher, qui travaille sur le dossier depuis plus de cinq ans.
Le fédéral étudie toujours la meilleure façon de permettre son adoption en toute sécurité, alors que les Anglais ou les Australiens en profitent déjà.
Pendant ce temps, un client québécois à qui la banque B offre 15% de rabais pour quitter la banque A n’a pas intérêt à accepter.
« Ça ne vaut pas la peine, les frais que la banque A va nous charger sont trop élevés », constate Pierre Larouche, de l’Université de Montréal.
PLAIGNEZ-VOUS !
La population canadienne est-elle condamnée à payer plus cher qu’ailleurs en raison d’un manque d’intensité concurrentielle?
« Le Bureau reçoit quand même des milliers de plaintes par année », répond le sous-commissaire Durocher.
Il entend par là que si les gens continuent de déposer des plaintes, voire de le faire encore plus, ça ne peut qu’aider les autorités.
« ON A FINALEMENT DU MOMENTUM, IL Y A BEAUCOUP D’INTÉRÊT POUR LA CONCURRENCE
DEPUIS L’INFLATION ET LA CRISE D’ABORDABILITÉ » – Anthony Durocher, Bureau de la concurrence du Canada