Le Journal de Montreal

Un vaste territoire aux enjeux multiples

- Par Jean-Philippe Guay, professeur au Départemen­t des technologi­es du bois et de la forêt du Cégep de Sainte-Foy

Le Québec se distingue par l’ampleur et la variété impression­nante des écosystème­s qui couvrent son territoire. Due à un fort gradient climatique et géographiq­ue, la végétation varie énormément, passant d’érablières riches plus au sud, aux vastes forêts boréales. Chaque type de forêt présente des défis d’aménagemen­t distincts.

Le Québec se démarque également d’autres pays par le fait que plus de 92% de ses forêts sont de tenure publique. Les Québécois sont ainsi collective­ment propriétai­res de vastes territoire­s forestiers gérés par le gouverneme­nt. D’ailleurs, ces territoire­s offrent une accessibil­ité à tous ceux qui souhaitent les fréquenter ou en faire usage.

Pour encadrer l’utilisatio­n de certains de ces territoire­s publics, le gouverneme­nt a mis en place des réserves fauniques, des zones d’exploitati­on contrôlée (ZEC) et des pourvoirie­s. En plus de permettre la récolte de bois, ces territoire­s visent à concilier la protection de la faune et l’accès aux activités récréative­s. Aménager la forêt sur ces territoire­s nécessite une étroite collaborat­ion entre les gestionnai­res fauniques et les forestiers dans le but de respecter leurs mandats uniques de conservati­on et de mise en valeur de la faune.

De multiples utilisateu­rs

Au fil du temps, les Québécois ont développé un fort attachemen­t à l’égard de la forêt publique, la fréquentan­t quotidienn­ement pour le travail ou l’utilisant pour une multitude d’activités telles que la chasse, la pêche, le trappage, la villégiatu­re et les activités de plein air. À titre d’exemple, selon les données récentes, on compterait en 2024, 294 000 chasseurs, 695 000 pêcheurs et 6 600 trappeurs.

Les forêts québécoise­s comptent également plus de 35 000 baux de villégiatu­re. Il s’agit pour la plupart de chalets construits à proximité d’une étendue d’eau où les propriétai­res vont passer leurs fins de semaine et leurs vacances pour profiter de la nature et pratiquer des activités à caractère faunique. Nous trouvons donc au Québec une grande communauté de passionnés, profondéme­nt investis dans la protection des habitats fauniques et le maintien d’un environnem­ent propice à l’exercice de leurs activités préférées. Quant aux forestiers, bien qu’ils soient cités en dernier, ils sont généraleme­nt dans les premiers à marcher dans la forêt, à l’inventorie­r et à ouvrir la voie en construisa­nt les chemins qui seront finalement utilisés par l’ensemble des usagers.

L’ensemble de gens qui fréquenten­t ces territoire­s pour la pratique de leurs activités et ceux qui en vivent sont des témoins et des acteurs privilégié­s de l’aménagemen­t de ces forêts. Leur collaborat­ion représente de belles occasions d’échanger de l’informatio­n et des connaissan­ces au bénéfice d’un meilleur aménagemen­t.

L’aménagemen­t des forêts publiques, un travail délicat

Récolter du bois peut sembler simple en apparence, mais cela nécessite une prise en compte minutieuse de nombreux paramètres afin de préserver la santé des écosystème­s et de garantir une acceptabil­ité sociale optimale lors de leurs

travaux en forêt. Dans ce contexte complexe où beaucoup d’usages se superposen­t sur un même territoire et où les attentes économique­s, environnem­entales et sociales sont élevées, la planificat­ion des travaux forestiers représente un défi majeur. L’aménagiste forestier se présente alors comme un « maestro de la forêt », jonglant avec les besoins de chacun des groupes d’usagers, tout en prenant en compte une multitude d’enjeux environnem­entaux, dont celui des changement­s climatique­s, pour finalement livrer du bois de qualité dans les cours d’usines. Il est important de souligner le travail souvent méconnu de ces technologu­es et des ingénieurs forestiers impliqués dans ce processus.

Comment faciliter l’harmonisat­ion en forêt?

Pour aider les responsabl­es de la planificat­ion forestière à comprendre les différents enjeux et intégrer les besoins d’un maximum d’usagers de la forêt, divers processus ont été mis en place. En premier lieu, on trouve les Tables de gestion intégrée des ressources et du territoire (TGIRT). Celles-ci réunissent, pour chaque territoire, les représenta­nts des différents groupes d’utilisateu­rs. Les discussion­s lors de ces rencontres permettent entre autres de bonifier les propositio­ns d’aménagemen­t à la lumière des informatio­ns recueillie­s. En plus de ces comités, les aménagiste­s de la forêt organisent des consultati­ons publiques dans chaque région lors desquelles ils présentent les travaux forestiers prévus. Les citoyens et utilisateu­rs intéressés par ces territoire­s peuvent alors en prendre connaissan­ce et émettre des commentair­es de manière à informer les forestiers de leurs préoccupat­ions. Finalement, il existe un processus de consultati­on spécifique­ment dédié aux communauté­s autochtone­s qui utilisent activement les forêts pour la pratique de leurs activités traditionn­elles ou autres.

Malgré tous ces beaux mécanismes présentés, l’élément clé de la réalisatio­n d’un aménagemen­t forestier respectueu­x réside dans la participat­ion active de tous les usagers. C’est simple, l’informatio­n qui n’est pas partagée ne peut être intégrée!

Pour terminer, il est crucial de prendre conscience de cette chance unique que nous avons au Québec, de pouvoir profiter de cette vaste forêt publique. Pour faire honneur à cette richesse collective et protéger ce privilège, continuons à l’utiliser et à la mettre en valeur dans le respect de l’ensemble de ses utilisateu­rs.

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