Des comités logement submergés
La détresse des locataires atteint des sommets, selon plusieurs organismes
« L’ACHALANDAGE, LA DÉTRESSE ET L’INTENSITÉ DES PROBLÈMES QUE LES GENS VIVENT SONT DÉCUPLÉS » – Jean-Christophe Bureau, responsable des services juridiques aux locataires chez Infologis
Évictions, harcèlement, augmentations, reprise de logement, réparations : les comités logement débordent de demandes d’aide de locataires qui vivent de plus en plus de détresse. Le Journal a passé du temps dans les bureaux de plusieurs organismes afin d’en faire le triste constat.
« C’est vraiment rendu du travail à la chaîne. On n’a pas le temps d’écouter les gens, parce que dans la salle d’attente, il y en a huit autres qui attendent et qui vivent la même affaire », déplore Jean-Christophe Bureau, responsable des services juridiques aux locataires chez Infologis qui s’occupe de l’est de Montréal.
Les portes à peine ouvertes, la salle d’attente de l’organisme, dont les bureaux sont situés sur la rue Des Ormeaux dans le secteur de Tétreaultville, se remplit, rapidement. Depuis 12 ans, Jean-Christophe Bureau voit les mêmes problématiques.
« Mais depuis 2019, ça a vraiment explosé et ça n’arrête pas d’augmenter. L’achalandage, la détresse et l’intensité des problèmes que les gens vivent sont décuplés », illustre-t-il, alors qu’un homme ayant des problèmes de voisinage vient de quitter son bureau en pleurs.
« J’ai un cancer, de lourds traitements qui viennent avec, je ne peux même pas avoir la paix chez moi et personne ne m’aide », explique l’homme dans la cinquantaine, qui venait demander de l’aide pour obliger son propriétaire à agir après des mois d’attente.
JAMAIS VU
Après lui, une femme dans la soixantaine vient pour la troisième fois pour parler du harcèlement que son propriétaire lui fait subir.
« Mon proprio me fait vivre un enfer et je ne sais plus quoi faire », laisse tomber une locataire, la mine défaite. Il vérifie tout ce que je fais, tape à ma porte à n’importe quelle heure, me surveille. Je n’en peux plus. »
Ces témoignages, les comités logement les entendent de la part d'autres locataires.
« On est vraiment très, très achalandé. Ça ne s’arrête pas », explique André Trépanier, du Comité d’action de Parc-Extension (CAPE).
Lors du passage du Journal dans les bureaux de l’organisme, de nombreux locataires venaient en effet cogner à la porte pour demander des informations.
Pour M. Trépanier, il est clair que c’est l’année la plus achalandée qu’il a connue au cours de ses 13 ans au sein de l’organisme.
« Notre carnet de rendez-vous est rempli deux semaines d’avance. On doit faire du sans rendez-vous, qu’on place entre deux rendez-vous », poursuit-il.
MAUVAISE SURPRISE
Au Comité logement Ville-Marie, Gaétan Roberge accueille du mardi au jeudi les locataires qui ont besoin d’aide.
« On prend le temps d’expliquer aux gens leur droit et comment ils peuvent se protéger. En ce moment, c’est surtout des questions sur les hausses de loyer », explique-t-il avant d’accueillir un locataire aîné qui voulait justement refuser celle qu’il avait reçue.
Anxieux, l’homme explique qu’il vit dans son logement depuis des dizaines d’années et qu’il ne peut pas se permettre une hausse de 50 $.
« Je n’ai pas une grosse retraite, moi, je peux payer 20 $ de plus maximum », plaide l’homme de 81 ans.
« Cette année, l’indice du TAL [Tribunal administratif du logement] est haut, alors pour beaucoup c’est une mauvaise surprise », explique M. Roberge.
DES ATELIERS BÉNÉFIQUES
Comme plusieurs organismes, le Comité logement du Plateau Mont-Royal organise des ateliers pour aider les locataires à calculer eux-mêmes la hausse. Le Journal a pu constater qu’il y avait salle comble.
« Ça permet d’informer plus de monde en même temps plutôt que de faire un rendez-vous par locataire. On a vraiment des tonnes de demandes », explique Juliette Côté-Turcotte, organisatrice communautaire pour ce comité.