Un déboisement voté dans le noir
Les élus n’ont pas été avisés de la présence de milieux humides même si la Ville de Montréal était au courant
Des élus de Montréal ont voté pour l’abattage de 1323 arbres sans avoir été avisés que le site sur lequel ils se trouvaient contenait trois milieux humides, dont un que la Ville a elle-même identifié « à protéger ou à restaurer ».
En mars dernier, les élus de la Ville de Montréal ont voté pour l’abattage des arbres, situés à l’angle des boulevards Henri-Bourassa et Saint-Jean-Baptiste, dans l’est de Montréal, sur deux terrains vacants contigus lui appartenant. Ces terrains doivent être décontaminés et accueillir un éventuel projet de développement économique.
Or, on y trouve trois milieux humides, une information connue par l’administration depuis au moins 2022, mais qui a été exclue du sommaire décisionnel remis aux élus.
UNE ÉTUDE DE 2022
Ce n’est que grâce à une demande d’accès à l’information, effectuée par l’opposition et arrivée après le début des travaux, qu’on l’a appris.
Une étude datant de 2022 et financée par la Ville révèle leur présence.
24 heures a aussi constaté que l’un de ces trois milieux humides est identifié comme milieu « à protéger ou restaurer », par la ville elle-même, dans son projet de Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH). Cette information ne figurait pas non plus au sommaire.
« Il y a un manque d’information et de transparence », dénonce la porte-parole de l’opposition en matière d’environnement, Stephanie Valenzuela, qui a tout de même voté pour le projet après avoir exprimé des réserves.
Elle affirme aujourd’hui qu’elle aurait possiblement fait un choix différent si elle avait eu toutes les informations en main.
DES DOUTES SOULEVÉS
Le conseiller indépendant du Sud-Ouest, Craig Sauvé, est le seul à avoir voté contre le projet. Lors du conseil municipal du 18 mars, il a questionné la responsable du dossier, la mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT), Caroline Bourgeois, sur la possible présence de milieux humides.
« Si on est pour faire du développement économique, est-ce qu’on détruit un milieu humide ? Est-ce qu’on va le restaurer ? Comment ? Ce n’est pas clair dans le dossier. Ni si d’autres solutions ont été considérées », a-t-il, entre autres, dit.
« Aucun élu ne va se réjouir d’abattre autant d’arbres. C’est une décision qu’on n’a vraiment pas prise à la légère. Dans ce cas-ci, ce n’est pas compliqué, si on voulait décontaminer ces terrains-là, on devait passer par cet abattage d’arbres », a notamment fait valoir Mme Bourgeois sans répondre directement à la question.
La mairesse de RDP-PAT, qui est aussi vice-présidente du comité exécutif, a refusé notre demande d’entrevue.
ÉPARGNÉS, MAIS PAS VRAIMENT
Par écrit, la Ville de Montréal assure que les trois milieux humides présents sur ces terrains ont été épargnés par les travaux.
Mais des milieux humides isolés sur un site ou tout autour a été rasé ont peu de chances de survie, soutient la spécialiste Julie Talbot, directrice du département de géographie de l’Université de Montréal.
« La préservation de milieux humides isolés dans le contexte du développement du site me semble utopique, dit-elle. Un terrain dont la végétation est enlevée et dont la topographie est nivelée n’est pas compatible avec la préservation potentielle des milieux humides qui s’y retrouvent isolés », explique-t-elle.
La Ville fait aussi valoir que l’un des trois milieux humides, celui identifié « à protéger ou restaurer », a été protégé par une bande tampon de 10 mètres, tandis que les deux autres sont situés à l’extérieur de la zone des travaux.
Des critères de replantation et de verdissement seront imposés lors de l’appel à projets pour déterminer l’avenir des deux terrains, précise-t-on.