Le Journal de Montreal

Crise à QS : c’était écrit dans le ciel

Les analyses qu’on nous sert sur la crise en cours à Québec solidaire restent à la surface des choses.

- Joseph Facal joseph.facal@quebecorme­dia.com

Centralisa­tion autour de Nadeau-Dubois, boys’ club, souci de l’image, élus vs bénévoles, urbains vs régionaux, etc.

Tout cela est vrai, mais partiel.

HISTOIRE

On pourrait ajouter d’autres causes aux difficulté­s : étiquette souveraini­ste, mais base fédéralist­e, volte-face sur la laïcité, allergie à l’identité québécoise, etc.

Vrai également, mais partiel aussi. Je discutais avec un vieil ami, prof au cégep, qui a longtemps milité dans les groupes d’extrême gauche au Québec.

Notre amitié a survécu à nos désaccords d’antan.

Quand on a milité à l’extrême gauche, me disait-il, les déchiremen­ts actuels n’ont rien d’étonnant. Ce n’était qu’une question de temps.

Ces guerres intestines sont récurrente­s, cycliques, inscrites dans les gènes de l’extrême gauche.

L’histoire de la gauche radicale commence en Europe il y a plus de 150 ans.

Dès le départ, même s’ils ne sont qu’une poignée, Marx ferraille contre les impurs qui ne pensent pas comme lui.

En Russie, Lénine et son aile bolcheviqu­e radicale se battent contre les menchéviks de Martov, réformiste­s et étapistes, au sein du même parti.

Au même moment, en Allemagne, Eduard Bernstein, dans un livre demeuré célèbre, lance un pavé dans la mare : Marx s’est trompé, il faut plutôt des réformes graduelles. Tollé et conflit avec la faction pure et dure autour de Bebel et Kautsky.

Mêmes conflits entre jusqu’au-boutistes et pragmatiqu­es, entre ceux qui refusent les compromis et ceux qui les jugent nécessaire­s pour obtenir des changement­s réels autour de Mao, autour de Hô Chi Minh, autour de Fidel Castro, dans tous les mouvements d’extrême gauche, partout.

J’étais étudiant à l’UQAM au début des années 1980. Les communiste­s d’En Lutte ! se battaient contre les communiste­s du PCO, contre les communiste­s du PCCML, contre les trotskyste­s, etc.

Marcel Pépin, ex-chef de la CSN, tenta de rassembler tout ce monde et lança le Mouvement socialiste. Guerres idéologiqu­es, divisions, échec complet.

En Amérique du Nord, au Canada, au Québec, il n’y a jamais eu de parti de gauche de masse, mais plutôt une longue série de querelles intestines et de fausses couches.

UTOPIE

Pourquoi ? En raison du fort coefficien­t d’utopie dans le cocktail de départ.

Quand vous lancez un mouvement en disant qu’« un autre monde est possible », qu’il faut « dépasser le capitalism­e », « faire de la politique autrement », « rester fidèle aux rêves de jeunesse » et autres formules toutes faites, le ver est dans la pomme dès le départ.

Quand la barre est placée si haut, vous programmez les déceptions à venir, donc les divisions entre ceux qui voudront s’obstiner dans la voie

Quand vous lancez un mouvement en disant qu’« un autre monde est possible », qu’il faut « dépasser le capitalism­e », « faire de la politique autrement », « rester fidèle aux rêves de jeunesse » et autres formules toutes faites, le ver est dans la pomme dès le départ.

de départ et ceux qui prôneront des ajustement­s.

On oublie trop souvent d’où vient QS : de la fusion entre le groupe de Françoise David issu de la Marche des femmes et trois microparti­s marxistes.

Il n’y a qu’un monde. Et « dépasser le capitalism­e » ? Mais pour aller où ?

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