Bond spectaculaire des opérations au privé
Leur nombre a grimpé de 46 à 6601 en 2 ans en Outaouais
La proportion d’opérations faites dans le privé en Outaouais est passée de moins de 1 % à 49 % en deux ans. Désormais, ce sont pratiquement la moitié des opérations qui sont faites dans les centres médicaux spécialisés, s’inquiètent des acteurs du milieu de la santé.
Entre 2020-2021 et 2022-2023, le nombre d’opérations qui a été sous-traité dans des cliniques privées par le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais est passé de 46 à 6601, révèlent des données obtenues par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) auprès du ministère de la Santé.
« C’est une privatisation qui est très rapide et très massive », note Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS.
« Il n’y a aucune autre région du Québec qui a connu une aussi forte augmentation », souligne-t-elle en entrevue avec l’Agence QMI.
« SE TIRER DANS LE PIED »
Si le phénomène surprend par son ampleur, ce sont surtout ses possibles conséquences qui inquiètent Anne Plourde. « C’est la capacité du public à offrir des chirurgies urgentes, prioritaires auprès de patients plus vulnérables et avec de plus grands besoins qui va être hypothéquée », dit-elle.
Pour le président du conseil d’administration d’Action santé Outaouais, Denis Marcheterre, ce bond des opérations dans le privé est « une bonne et une mauvaise nouvelle à la fois ».
« Bonne dans le sens qu’il y a bien des patients qui sont satisfaits de pouvoir passer rapidement à la table de chirurgie, indique-t-il.
« À moyen, long terme, on finit par se tirer dans le pied dans le sens où les cliniques privées font des chirurgies qui sont rentables et puis qui sont faciles à faire pour elles », nuance-t-il.
IMPACT SUR LE PERSONNEL
Outre la crainte d’une diminution des capacités du secteur public, le transfert massif d’opérations dans le privé risque de poser un autre défi, selon la chercheuse.
« Il faut savoir que les cliniques privées puisent dans le même bassin de maind’oeuvre que les hôpitaux publics. Et ici, on est dans une situation de pénurie de personnel en plus comme c’est le cas un peu partout au Québec », explique Anne Plourde.
La chercheuse de l’IRIS craint aussi une généralisation du phénomène.
« Ce qu’on voit en Outaouais, on peut craindre que le même genre de phénomène se produise ailleurs si on va vers une privatisation aussi importante dans les autres régions éventuellement », ajoute-t-elle.