Crise du logement : de la détresse plein les bottes
Face à la crise du logement, le gouvernement Legault est aux abonnés absents. Il en a tout d’abord nié l’existence pendant des années. Maintenant qu’elle atteint des sommets inégalés, il la reconnaît tardivement.
Sa surdité aux drames humains qu’elle entraîne est néanmoins devenue chronique. À moins de deux mois du 1er juillet, des cris d’alarme montent pourtant de partout.
Depuis quelques jours, Le Journal publie des reportages étayés sur les vrais visages de la crise. Des Québécois incapables de se loger à coût raisonnable. D’autres obligés de rester dans un appart insalubre ou négligé par le locateur.
D’autres évincés brutalement pour que le proprio reloue plus cher. D’autres incapables de payer une augmentation abusive de loyer. D’autres forcés de vivre dans une fourgonnette. Au Québec. En 2024.
Partout, les comités logement sont débordés. Idem pour le Tribunal administratif du logement. Les appels de détresse se multiplient.
Radio-Canada rapporte que des membres du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec et du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec sonnent carrément l’alarme.
AU SECOURS !
Leur message à François Legault est clair : « Au secours ! ». Du désespoir et des traumatismes, jusque dans la classe moyenne, il y en a plein les bottes au Québec.
On parle de harcèlement de locataires. Même de dépressions et de pensées suicidaires. Pendant ce temps, comme pour l’attente interminable dans nos urgences, l’itinérance se « normalise », elle aussi.
Quand les partis d’opposition le questionnent sur la crise du logement, le premier ministre pointe l’immigration temporaire. Sa ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, se limite à brandir comme unique solution des constructions à venir dans plusieurs années.
La réalité est que le gouvernement refuse d’agir là où ça compterait. Pour le temps que la crise passe, il refuse d’instituer un moratoire sur les évictions.
Il dit non à un contrôle plus strict des loyers et un registre des loyers. Il n’accélère pas assez la construction de logements sociaux, la rénovation des HLM existants et le financement de nouvelles coopératives d’habitation.
CHOC DE VISIONS
Sur le fond des choses, on est ici face à un choc de visions. Pour plusieurs gouvernements et grandes villes, le logement est vu comme une marchandise et non pas comme un droit.
D’où leur parti-pris pour le marché privé même lorsqu’il tourne au Far West. D’où leur refus de reconnaître le logement comme un droit tout comme l’est pourtant le droit à la sécurité. Cette histoire l’illustre à merveille.
Une membre du cabinet de la ministre Duranceau, croyant écrire à un collègue à propos d’une enquête de La Presse canadienne demandant à chaque province si elle reconnaît ou non le logement comme un droit, s’est trompée de destinataire en envoyant ce courriel à la journaliste en question :
« Relance. Je la ghoste encore ? Sinon, réponse générale qui répond pas pour dire que l’Habitation c’est une priorité pour notre gouvernement ? »
Pour ce gouvernement comme pour d’autres, c’est précisément ce refus de reconnaître le logement comme un droit qui leur permet d’en faire le moins possible. Pendant ce temps, les drames humains, eux, s’accumulent.