Posons-nous les vraies questions sur le Musée
Le projet de Musée national de l’histoire du Québec (MNHQ) suscite des questions légitimes, mais fait l’objet d’un faux procès.
Né sur les cendres des Espaces bleus abandonnés, il a été annoncé fin avril par François Legault et son ministre de la Culture, Mathieu Lacombe.
MUSÉIFIER
On peut certes poser plusieurs questions à propos de cette nouvelle aventure muséale (chose rare et précieuse chez nous).
Commençons par une de mes tocades : pourquoi transformer le pavillon Camille-Roy, à Québec, en musée ?
C’est pourtant le bâtiment originel de l’Université Laval, conçu pour l’enseignement, inauguré en 1854. Ceux qui me connaissent diront que, y ayant étudié et enseigné, j’ai pour ce lieu un attachement personnel démesuré. D’accord…
Mais si le Vieux-Québec perd des habitants à chaque recensement, s’il est en proie au « tout-au-tourisme » destructeur, c’est parce qu’on ne cesse d’y arracher des institutions.
L’abandon, par la section collégiale du Séminaire de Québec, à la fin des années 1990, du pavillon Camille-Roy aurait dû inciter l’Université Laval à compléter son retour « dans le Vieux ».
La faculté d’architecture occupait déjà une partie de l’édifice du VieuxSéminaire de Québec.
Le pavillon Camille-Roy aurait très bien pu accueillir la faculté de droit ou des sciences sociales.
DÉDOUBLEMENT
Autre question : dans le Vieux-Port, il y a le Musée de la Civilisation. Sa naissance, en 1988, fut archicompliquée. On s’est déchiré pendant des années autour de projets de musées d’art ou d’histoire, on l’a appelé « Musée du Québec », « Musée de l’homme d’ici », « Musée de la Civilisation québécoise ». L’épithète « québécoise » fut abandonnée.
Depuis son ouverture, une exposition permanente y est consacrée au Québec (intitulée initialement Mémoires). Rapidement une autre fut dédiée aux « 11 nations autochtones » habitant le territoire québécois.
Le nouveau MNHQ ne risque-t-il pas de dédoubler le MCQ ? En tout cas, ce dernier ne parle pas que du Québec.
APPROPRIATION
Le faux procès : depuis quelques jours, certains disent craindre que le MNHQ ne mette à l’écart les nations autochtones. François Legault s’est montré rassurant à cet égard.
Insistons sur un fait : il serait inconcevable que le comité scientifique qui planche sur le contenu du MNHQ propose d’occulter l’antériorité des Premières Nations sur ce territoire ou leur apport à la nation québécoise ainsi que la cohabitation.
À l’inverse, un musée qui, par volonté d’inclure radicalement, ferait des Autochtones, rétrospectivement, des « Québécois en devenir » commettrait un péché d’appropriation culturelle.
Un peu comme lorsque Stephen Harper affirma, au 400e de Québec, que Champlain fut le « premier gouverneur général du Canada ». Aux Premières Nations de faire leur « autohistoire », pour reprendre le terme de l’historien wendat Georges Sioui.
La nation québécoise mérite un musée d’histoire. Il ne doit pas nécessairement « susciter la fierté », comme l’a dit M. Legault.
Mais un « musée des horreurs », comme a dit l’historien Éric Bédard, du Comité scientifique, ne serait pas crédible non plus.