La gauche autodestructrice, ici comme ailleurs dans le monde
Depuis le début, la crise qui ébranle Québec solidaire a été analysée sous deux dimensions.
D’abord, il s’agirait d’un problème de gestion interne. Ce serait un problème de structures et un conflit de personnalités.
Gabriel Nadeau-Dubois exercerait un contrôle sur le parti. Il se voudrait chef, dans un parti qui ne le permet pas. Cette critique, elle s’est incarnée par l’accusation de « boys club » et de la « clique de professionnels » entourant GND.
Ensuite, c’est la posture de « pragmatisme » de GND qui a été vilipendée.
Sa proposition d’une « gauche pragmatique » pour devenir un « parti de gouvernement » ne serait que l’autre nom d’une « gauche craintive et calculatrice » et de sa « soumission aux exigences médiatiques et algorithmiques ».
Je reprends ici les mots de la lettre de Catherine Dorion et ses acolytes publiée dans La Presse. Tout a été dit, écrit et analysé là-dessus.
Cela dit, il y a quelque chose qu’on ne mentionne pas, et qui est indispensable pour comprendre les déboires solidaires d’aujourd’hui. Elle nécessite de se décoller le nez de notre fenêtre québécoise.
Cette chose, c’est l’échec de tous les partis politiques de « gauche radicale » en Occident depuis quelques années.
LA CRÉATION DE QS ET SES COUSINS
Revenons brièvement en arrière pour comprendre.
Depuis les années 2000, une panoplie de partis de « gauche radicale » qui souhaitaient « dépasser le capitalisme » est née après des années de pouvoir de la « gauche sociale-démocrate ».
C’était l’époque du travailliste Tony Blair au Royaume-Uni, du démocrate
Bill Clinton aux États-Unis et du péquiste Lucien Bouchard à Québec.
Cette « gauche radicale » fut déçue que ces derniers aient cessé de remettre en cause le capitalisme, et dans le même mouvement, accepté le néolibéralisme. Déçue de vouloir simplement corriger les excès du capitalisme, plutôt que de l’abolir.
En réaction, elle a déserté, puis s’est organisée en partis politiques.
C’est le cas avec QS chez nous (2006), Syriza en Grèce (2004), Die Linke en Allemagne (2007), Podemos en Espagne (2014), la France Insoumise en France (2016).
Tous ces partis ont pour l’essentiel les mêmes électeurs (des urbains éduqués), la même idéologie (écologie, diversité, injustice sociale), les mêmes étiquettes (la condescendance et la déconnexion des majorités), et les mêmes plafonds électoraux (de 5 à 20 %).
Si ces partis ont connu des succès ici et là, ils sont aujourd’hui tous en déclin. Tous dépassés par la droite populiste ou identitaire qui, elle, réussit à canaliser la colère citoyenne. Et ce déclin crée les chicanes intestines. C’est exactement ce que vit QS aujourd’hui.
LES DÉTRACTEURS SIGNATAIRES DE LA LETTRE CONTRE GND
Il faut faire preuve d’une curieuse imagination pour croire que c’est en radicalisant Québec solidaire que les choses s’amélioreront pour lui, comme le laisse croire la lettre « Réinventer notre démocratie en faillite » de Catherine Dorion et 39 autres signataires, mentionnée plus tôt.
On se demande bien ce qu’est la destination de ces derniers quand leur point de départ est la faillite de la démocratie québécoise et le mépris le plus complet des institutions parlementaires. On va toujours trop loin pour les gens qui ne vont nulle part, disait Pierre Falardeau.