Le Journal de Montreal

Renaud, encore debout

Quand on a un ami fidèle, on ne lui tourne pas le dos le jour où il est vieux.

- Sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Quand on a un loyal camarade de route, on ne le laisse pas sur le bord du chemin juste parce qu’il est faible.

C’est pour cette raison qu’il ne faut pas laisser tomber les vieux artistes, comme Renaud, sous prétexte que leur voix n’est plus ce qu’elle était ou que la mémoire leur fait défaut.

J’ai adoré le spectacle de Renaud à la Place des Arts vendredi dernier.

Les critiques qui ont trouvé désolants les spectacles de la star française n’ont rien compris à ce « devoir de mémoire » qui unissait le public à cet artiste qui lui a tant donné.

MORGANE DE RENAUD

Les trois premières minutes du spectacle de Renaud, j’avoue que j’ai dû encaisser le choc de voir cet homme jadis si fringant être aussi diminué. La vieillesse est un naufrage, comme disait l’autre. Mais justement, quand on voit quelqu’un se noyer, on ne le cale pas, on lui envoie une bouée.

Je m’en serais voulu toute ma vie si j’avais manqué Renaud à Montréal vendredi dernier. J’aurais manqué ce qui sera peut-être la dernière occasion de dire « Merci » à un homme qui a écrit LA plus belle chanson sur le temps qui nous glisse entre les doigts : Mistral gagnant.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que Renaud ait une telle admiration pour Karl Tremblay et les Cowboys Fringants (il reprend Sur mon épaule en spectacle), car Jean-François Pauzé aussi est un maître des chansons sur le temps qui passe trop vite.

Oui c’est vrai, Renaud marmonnait ses paroles. Oui c’est vrai, Renaud avait de la difficulté à se déplacer sur scène. Oui c’est vrai, il regardait souvent le moniteur devant lui où défilaient

les paroles de ses chansons. Mais c’est toujours bien lui qui les a écrites, ces paroles-là ! « Le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants », juste ça, ça mérite les ovations que le public lui a réservées.

Les arrangemen­ts, l’orchestre, les éclairages, tout ce qui entourait les chansons de Renaud était d’une grande beauté.

Je n’utilise pas souvent ce genre de métaphore religieuse ou mystique, mais ce soir-là au Théâtre Maisonneuv­e, le public était en « communion » avec Renaud. Et ceux qui n’ont pas compris ça n’ont pas compris tout le bien que des chansons peuvent faire, tant à ceux qui les écrivent qu’à ceux qui les écoutent.

Quand je suis allée voir l’artiste en coulisses, après le spectacle, pour une petite photo, j’ai trouvé un chanteur heureux. Ça se voyait dans son visage qu’il avait été porté par une vague de reconnaiss­ance. Au bras de sa nouvelle femme, Cerise, il rayonnait. Ces deux-là avaient un petit air des mariés de Chagall, prêts à s’envoler dans le ciel.

MERCI MISTER RENAUD

Dans le fond, ce que disait le public montréalai­s à Renaud au Théâtre Maisonneuv­e vendredi dernier, c’était : « Tu as été là pour nous dans nos vies quand on en avait besoin. Tes paroles, ta musique ont été la trame sonore de nos vies. À notre tour maintenant d’être présents pour toi quand c’est toi qui en as besoin ».

En fait, ce qu’on disait à Renaud, c’est : « Mets ta tête sur mon épaule, toi qui en as tant besoin ».

 ?? ??
 ?? ?? Richard Martineau, Sophie Durocher, Renaud et Cerise.
Richard Martineau, Sophie Durocher, Renaud et Cerise.

Newspapers in French

Newspapers from Canada