Le choix de Nikki Haley : le pire Trump vaut mieux que le meilleur Biden
Ils le font tous à un certain moment.
Ils finissent tous par rentrer dans le rang et donner leur appui à Donald Trump ; tous ceux et celles, chez les républicains, qui l’ont traité de grossier personnage, d’illuminé détaché de la réalité ou de semeur de chaos à grande échelle. Nikki Haley n’est pas différente.
Nikki Haley est une conservatrice pure et dure. Elle favorise des réductions d’impôts « pour tous », notamment les plus riches. Pour combattre les narcotrafiquants mexicains, elle appuie l’envoi de commandos militaires américains de l’autre côté de la frontière. Et la loi floridienne « Don’t say gay », qui interdit les discussions sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre avant la troisième année du primaire, « ne va pas assez loin », selon elle.
C’est vrai toutefois qu’elle a clairement pris ses distances d’un nouveau postulat du conservatisme américain : la démocratie. Joe Biden a bel et bien remporté l’élection présidentielle de 2016. L’assaut du Capitole de janvier 2021 a été une « journée terrible » et les émeutiers méritent pleinement d’être poursuivis.
Du coup, plusieurs ont cru que l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud, la dernière à tenir tête à Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine, représentait l’alternative modérée à Trump si la campagne à son retour à la Maison-Blanche se révélait un échec.
« UN SEUL DIEU, ET À LUI SEUL TU RENDRAS UN CULTE »
Pas étonnant que Donald Trump vende maintenant des Bibles à soixante-quinze dollars pièce ; le premier commandement remis, selon la tradition, par Dieu à Moïse correspond à l’ambiance générale au sein du parti républicain.
Cette semaine, après tant d’autres, Haley a annoncé qu’elle allait voter pour celui qu’elle dénonçait comme source intarissable de chaos.
Elle suit la voie tracée par tant d’autres que Trump a humiliés – et d’ailleurs, son procès pour fraude financière à New York nous a rappelé ce qui avait été dit et fait pour discréditer ses adversaires dans la course à l’investiture républicaine de 2016 –, les Lindsey Graham, Marco Rubio, Ted Cruz qui, aujourd’hui, chantent les louanges de l’ancien président.
Plus récemment, Ron DeSantis, le gouverneur de la Floride, que Trump avait affublé de surnoms disgracieux et qui, avant d’abandonner la bataille pour l’investiture républicaine, dénigrait ceux qui finissaient par aller embrasser la bague du Don, n’a pas fait autre chose, une fois sa campagne terminée : il a, lui aussi, docilement pris le chemin de l’abattoir.
ENTRE PERFECTION ET CATASTROPHE, L’AUTOAVEUGLEMENT
Pour justifier son ralliement, Nikki Haley a précisé que Trump, tout en n’étant pas parfait quant à ses priorités – l’immigration et la gestion des dépenses publiques, notamment le contrôle de la dette –, avait mieux fait que Biden, qui, à son avis, s’est avéré une catastrophe.
Ce qui est d’assez mauvaise foi, le président républicain ayant fait grimper la dette nationale de 33 % pendant son mandat, pendant que son successeur démocrate l’accroissait de 9 %.
Ce ne serait tout de même pas honnête de se montrer surpris par une telle allégeance : ce parti républicain est le parti de Donald Trump et de personne d’autre. Nikki Haley n’a que 52 ans et, on l’a vu, elle est ambitieuse. Son avenir au sein du GOP passe inévitablement par une génuflexion devant son leader suprême.
L’autre réalité, que des politologues ont d’ailleurs identifiée comme une « polarisation affective », fait en sorte qu’une majorité d’Américains, aujourd’hui, nourrissent une aversion pour les membres de l’autre parti. Ils concluent rapidement que les convictions politiques de leurs opposants menacent la vie civique ou leur notion de la démocratie. Et il leur devient impossible, voire contre nature, d’envisager de voter pour l’autre parti, peu importe les failles du leur.
Nikki Haley – la « modérée », la dernière résistante – démontre, à son tour, qu’il est presque impossible d’échapper à ce partage du monde politique aux États-Unis.