Le Journal de Quebec - Weekend
Femmes avant tout
Elles sont jeunes et jolies, elles dansent magnifiquement bien et elles comptent parmi les rares artistes qui ont pu intégrer les rangs du mythique Crazy Horse de Paris. Profitant de leur court séjour à Montréal avant une série de représentations dans la
C’est sur la terrasse de l’hôtel Le Saint-Sulpice, dans le Vieux-Montréal, que nous rencontrons Daizy Blu et Lila Magnétic, deux des magnifiques danseuses qui font partie de la tournée internationale du Crazy Horse.
Elles ont beau être séduisantes et se produire dans le cadre d’un spectacle où elles sont « habillées » par des projections lumineuses texturées (lignes, pois, etc.), les artistes du Crazy Horse sont d’abord et avant tout des danseuses professionnelles.
« Pour moi, tout a commencé avec la danse : le ballet, classique et jazz contemporain. À la base, je voulais vraiment être danseuse classique, nous a expliqué Daizy Blu. J’ai commencé à aller voir des spectacles de cabaret et j’ai beaucoup aimé. Par contre, le Crazy Horse me faisait peur. »
La jeune femme explique que c’est la proximité entre le public et les danseuses qui l’a d’abord effrayée.
« J’ai également eu peur parce que le jeu de scène est plus subtil et que la salle est plus petite, a expliqué celle qui travaille au Crazy Horse depuis cinq ans. Ensuite, ce qui m’a attiré, c’est justement le fait que le jeu de scène soit différent. Comme le public est plus près, nous ne faisons pas juste des grands sourires dans le vide. Nous pouvons vraiment regarder quelqu’un et jouer avec des regards en coin et des attitudes différentes. »
« Je suis aussi allée voir des spectacles de cabaret avant d’auditionner pour le Crazy. Je n’ai pas trop aimé les plumes et les paillettes que l’on pouvait voir au Moulin Rouge, par exemple, a raconté Lila Magnétic. Au Crazy Horse, ça n’avait rien à voir. C’était beaucoup plus féminin et beaucoup plus classe. Au Crazy Horse, nous sommes pratiquement plus actrices que danseuses. Nous devons vraiment travailler cet aspect. »
LA BEAUTÉ ET LE CRAZY
C’est bien connu, toutes les femmes ont leurs petits complexes. Or, pour faire partie de l’équipe du Crazy Horse, il faut non seulement savoir danser et jouer, mais il faut également répondre à une liste de critères esthétiques précis. La distance entre les deux pointes de seins, entre le nombril et le pubis, et même le rapport entre la longueur des jambes et celle du buste sont évalués.
« La compétition est forte au moment des auditions, a expliqué Lila. Par contre, une fois qu’on a intégré l’équipe – puisque nous avons chacune notre place et nos solos attribués –, la compétition n’existe plus. »
Depuis qu’elles dansent au Crazy, Lila et Daizy affirment avoir une vision différente de la beauté féminine.
« Jamais je n’aurais pensé être capable de me mettre en valeur de cette façon, a affirmé Lila. J’ai beaucoup plus confiance en moi depuis que je suis au Crazy Horse. Je me sens beaucoup plus jolie sur scène que dans la vie de tous les jours. »
« À la base, j’aimais beaucoup les corps très minces, a expliqué Daizy, qui s’adonne au yoga quatre fois par semaine pour garder la forme. Avec le Crazy Horse, j’ai appris à aimer les corps pulpeux, en chair. Le côté femme de la femme, je l’ai accepté là. »
VAINCRE LES PRÉJUGÉS
Qui dit cabaret et danseuses sexy insinue souvent dégradation de la femme et vulgarité. Cependant, le Crazy Horse, institution mythique fondée en 1951, est loin de donner dans l’inélégance.
« Beaucoup de couples viennent nous voir. Il y a beaucoup de femmes qui s’identifient à nous, a expliqué Lila. Je pense que les femmes aiment voir nos spectacles autant que les hommes puisqu’on ne dégrade pas leur image. »
Les filles ne cachent pas qu’elles doivent faire face aux préjugés lorsqu’elles mentionnent leur lieu de travail, aussi prestigieux soit-il.
« Les gens pensent tout de suite à la nudité s’ils n’ont pas vu le spectacle. Dans mon cas, mon grand-père l’a pris dur, a expliqué Lila, qui précise que même le milieu de la danse a ses préjugés par rapport aux cabarets. Après, quand on voit le spectacle, on découvre que c’est classe et beau. C’est de l’art, quoi. »
Bien qu’elle se plaise dans ce qu’elle fait, Daizy, dont nous devons taire l’âge, prépare l’après-Crazy Horse depuis un moment déjà. « J’ai fait un diplôme pour devenir professeure de danse. Pour l’instant, j’aime encore être sur scène, mais je regarde quand même quelles formations je pourrais faire, histoire d’avoir plusieurs cordes à mon arc. »
« C’est une chose à laquelle nous devons penser, a ajouté sa collègue. Au Crazy Horse nous avons une pression par rapport aux mensurations qui peuvent changer, mais l’usure du corps, elle est là pour toutes les danseuses du monde. »
Forever Crazy est présenté aujourd’hui et demain au Capitole de Québec, et du 9 au 21 juillet au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal. Toutes les dates de la tournée se trouvent à l’adresse hahaha.com.