Le Journal de Quebec - Weekend

DANS LA CABANE DE DENIS CÔTÉ

Pierrette Robitaille dans un film de Denis Côté? Voilà une idée qui aurait pu sembler farfelue il y a quelques années. Or, le cinéaste à l’univers singulier a bel et bien écrit le personnage central de son septième et nouveau long métrage, Vic + Flo ont v

- Maxime Demers MAXIME.DEMERS@QUEBECORME­DIA.COM

Denis Côté savait dès le départ que l’idée en ferait sursauter plusieurs. Et il ne cache pas qu’il aimait bien le commentair­e caché derrière ce choix surprenant.

«Comme cinéaste et comme ex-critique de cinéma, j’ai toujours réagi au monde du cinéma québécois, et il y a certaineme­nt un peu de cela dans ce choix», explique Denis Côté en entrevue.

«Je savais qu’il y avait quelque chose d’improbable à ce que Pierrette vienne dans mon univers. Et je savais qu’on allait en parler. J’avais un plaisir à l’inviter chez moi en sachant que ce serait du travail et qu’on se mettrait tous les deux en danger en sortant de nos zones de confort respective­s.»

«Au final, ça s’est bien passé, mais je ne cacherai pas qu’il y a eu un certain ajustement. C’est une actrice qui est très physique et qui est beaucoup dans l’extérioris­ation, et je cherche justement le contraire. Il a donc fallu s’ajuster d’une scène à l’autre. C’était un beau défi pour elle et pour moi.»

ÊTRE SOI-MÊME

Gagnant du prix Alfred Bauer au dernier Festival de Berlin (remis au film le plus novateur de la compétitio­n), Vic + Flo ont vu un ours suit le retour à la réalité de Victoria (Pierrette Robitaille), une femme qui, en sortant de prison, décide d’aller s’installer dans une cabane à sucre perdue au fond du bois pour s’isoler avec son amoureuse, Florence (Romane Bohringer), qu’elle a rencontrée derrière les barreaux.

Ce septième long-métrage de Côté peutêtre classé dans la catégorie de ses films les plus mainstream, aux côtés de Curling et Elle veut le chaos. «Je pense que les gens ont compris qu’il y a deux mondes dans mon cinéma», explique le réalisateu­r québécois né au Nouveau-Brunswick.

«D’un côté, il y a le gars qui fait des films comme Curling et Vic + Flo, et de l’autre, il y a celui qui réagit tout de suite après en enchaînant avec un film d’essai à petit budget comme Carcasses ou Bestiaire. »

«Mais s’il y a une chose que le prix à Berlin m’a dit, c’est: “Continue d’être toimême”. Ça ne me dérange plus qu’on me mette dans la case “cinéma difficile”.

Je gagne ma vie, je voyage et je reste moimême. Ça va bien.»

«Je pense d’ailleurs qu’on peut me reconnaîtr­e dans le film à travers ces personnage­s un peu à côté du monde. Le personnage de Pierrette a décidé de tourner le dos au monde de façon assez claire. C’est peut-être mon film le plus autobiogra­phique, dans la mesure où je me suis demandé, à un moment donné, si je ressemblai­s à cette femme. Comme cinéaste, on dirait que j’ai trouvé ma cabane en aluminium à moi et que tout le monde sait à quelle enseigne je loge. Je gagne ma vie, seul, dans mon cinéma à moi, et on arrive à dire: “Ça, c’est un film de Denis Côté”.»

LA FIGURE DU MÉCHANT

Plus que dans ses films précédents, Denis Côté s’est aussi amusé avec les codes du cinéma de genre, prenant notamment plaisir à créer des personnage­s de méchants habités par une cruauté crasse.

«La figure du méchant, je la cherche dans le cinéma québécois», observe-t-il.

«C’est quoi, nos méchants dans le cinéma québécois? Soit ce sont de grosses caricature­s, soit c’est un violeur d’enfants qu’on ne voit pas vraiment. Mais un vrai méchant avec un visage, une psychologi­e, qui assouvit ses bas instincts sur quelqu’un et qui s’en sort à la fin? Je n’ai pas souvenir d’avoir vu cela au cinéma québécois. J’ai donc pris plaisir à créer cela.»

En évitant d’utiliser le mot «accessible», Denis Côté n’hésite pas à dire que Vic + Flo est son film le plus généreux.

«Il y a un désir d’en donner un peu plus. Je reste moi-même. Ce que j’aime, c’est que ce sont des femmes qui se disent en pleine face ce qu’elles ont à se dire. Il y a moins de faux-fuyants, même si le plaisir de la fausse piste est encore là. Ça va avoir l’air d’un gros cliché, mais je dirais que c’est le premier film que j’ai écrit en ayant du fun. Je ne me suis pas creusé la tête comme pour mes films précédents.»

«Cela dit, je suis conscient que Vic + Flo peut avoir l’air d’une grosse farce pour pas mal de gens. C’est sûr que je veux que le spectateur embarque à fond dans les personnage­s. Mais on sent la présence du réalisateu­r derrière chaque scène. Je joue parfois à voler la vedette à mes personnage­s, ce qui, je le concède, est un problème.»

Vic + Flo ont vu un ours débarque sur nos écrans vendredi après avoir parcouru déjà une trentaine de festivals dans le monde (une vingtaine d’autres sont au programme d’ici la fin de l’année). De plus, le film a été vendu dans une dizaine de pays, dont la France où il sort mercredi.

Pour ce qui est de la sortie au Québec, Denis Côté ne se berce pas d’illusions.

«Aucun de mes films précédents n’ont fait du box-office et je ne pense pas qu’il va se passer grand-chose de ce côté-là non plus avec Vic + Flo », dit-il.

Succès ou pas, le cinéaste a déjà la tête dans son prochain film, qui s’inscrira dans la lignée de Carcasses et Bestiaire.

«Je filme des ouvriers sur la rive nord et la rive sud de Montréal. Ça risque d’être un film un peu abstrait et d’observatio­n sur le monde du travail», avance-t-il.

À suivre...

Vic + Flo ont vu un ours prend l’affiche le vendredi 6 septembre.

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Le cinéaste Denis Côté entouré de ses acteurs Marc-André Grondin, Marie Brassard et Pierrette Robitaille.
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