Le Journal de Quebec - Weekend

Hantée par CAMILLECLA­UDEL

- Marc-André Lemieux MARC-ANDRE.LEMIEUX@QUEBECORME­DIA.COM

Juliette Binoche raconte avoir été hantée par Camille Claudel au début du tournage de Camille Claudel, 1915, de Bruno Dumont. «Je m’éveillais sans cesse la nuit, comme si j’étais hantée. Mais après quatre jours, ça s’est calmé… Heureuseme­nt d’ailleurs!» s’exclame-t-elle en entrevue au Journal. Librement adapté des lettres écrites par Camille Claudel et son frère, ce drame biographiq­ue brosse le portrait de l’artiste sculptrice après son internemen­t à l’asile d’aliénés de Montdeverg­ues. Dans le film, Camille Claudel prend un morceau de terre et commence à le modeler. Pourquoi finit-elle par le rejeter? À votre avis, pourquoi n’a-t-elle pas continué à créer durant son internemen­t?

Parce qu’elle aurait donné raison à ceux qui l’avaient enfermée. Jamais elle n’a accepté d’être enfermée. Jamais elle n’a accepté d’être isolée de cette façon.

Comment décriviez-vous Camille Claudel avant le tournage et comment décrivez-vous Camille Claudel maintenant? Votre vision a-t-elle changé?

Oui. Après le tournage, je suis allée à Villeneuve-sur-Fère, le village où elle a grandi… Le village où elle rêvait de retourner pendant son internemen­t psychiatri­que. Cette visite a tout changé pour moi. La beauté de Villeneuve-surFère… La maison où elle a vécu… Le paysage était magnifique. Je voyais ces pierres qui sortaient de terre. Elles avaient des formes de monstres, d’humains et d’animaux. C’était un lieu fabuleux et inspirant. J’en suis revenue avec la sensation d’une force terrienne. Et cette maison… Elle avait un atelier que son père, qui était très fier d’elle, avait aménagé pour elle. Il soutenait son désir de création.

Vous jouez aux côtés de vraies handicapée­s mentales dans ce film. Comment s’est passée l’expérience?

On communiqua­it par des regards, un rythme, une présence… et une sorte de méfiance. Parce qu’avec elles je devais être Camille en tout temps… et Camille n’aimait pas être dans cet asile. Même si j’avais envie d’être plus proche d’elles, je devais garder mes distances parce qu’on voulait qu’elles agissent avec moi comme elles agiraient avec quelqu’un de méfiant comme Camille. Camille se sentait en danger durant son internemen­t parce qu’elle était prisonnièr­e. Moi, j’étais libre. Mais avec elles, je devais faire semblant d’être prisonnièr­e.

En tant qu’artiste, vous reconnaiss­ezvous en Camille Claudel?

Je crois que tout artiste peut se reconnaîtr­e en elle. Parce que Camille est dotée d’un feu, d’un besoin de création qui dépasse l’humain. Son désir était fou. Elle travaillai­t des heures acharnées.

Votre performanc­e dans Camille Claudel

1915 a été encensée par la critique. On a dit que vous sembliez habitée par Camille. Est-ce un personnage qui a été difficile à chasser après le tournage?

Pas du tout. Mais c’est un personnage avec lequel j’ai eu beaucoup de difficulté­s à vivre au début, par contre.

En tant qu’artiste, comment votre rapport à la critique a-t-il évolué au fil du temps?

La première critique dont je me souviens, c’était une critique de Télérama. Un journalist­e avait écrit: «Elle ne sera jamais Romy Schneider.» J’avais pensé: «Ça commence bien! Primo, je ne veux pas être Romy Schneider et deuxio, pourquoi ont-ils besoin d’être aussi méchants?» Mais au fil du temps, les critiques m’ont adoptée. Ils ont beaucoup aidé ma carrière. D’une certaine façon, je leur dois une fière chandelle!

Pourquoi désirez-vous travailler avec Bruno Dumont?

Parce que c’est un grand cinéaste. Tout simplement.

Ce n’est pas la première fois que vous contactez directemen­t un réalisateu­r pour travailler avec lui. Quand on s’appelle Juliette Binoche, est-ce que ça fonctionne à tous les coups?

J’adore tourner avec des metteurs en scène indépendan­ts avec une vision forte. Les personnes avec qui j’avais envie de tourner, je suis allée les voir. Mais le destin y joue pour beaucoup. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.

Vous avez récemment tourné dans

Godzilla sous la direction de Gareth Edwards ( Monsters). Que pouvez-vous dire sur cette expérience?

Pas grand-chose, car je suis tenue au secret! Bien entendu, on parle d’un

blockbuste­r, mais Gareth a essayé d’en faire quelque chose de plus personnel. Je me suis aussi rendu compte que

Godzilla a un nombre incroyable de fans. Toutes sortes de gens. Parfois, je réalisais que des gens parfois très intellectu­els aux goûts très pointus étaient des fous furieux de Godzilla. Ça m’a vraiment étonnée!

Pourquoi avez-vous accepté de jouer dans Godzilla?

Parce que mon fils aimait beaucoup

Godzilla quand il était petit. Et comme je n’avais jamais joué dans un blockbus

ter, j’avais envie de voir comment ça fonctionna­it…

√ Camille Claudel, 1915 sera présenté dans la section les Grands Maîtres au Festival des films du monde. √ Le film prendra l’affiche au Québec le vendredi 6 septembre.

 ??  ?? PHOTO COURTOISIE
PHOTO COURTOISIE

Newspapers in French

Newspapers from Canada