Le Journal de Quebec - Weekend

Gravité Sandra Bullock perdue dans l’espace

Sandra Bullock est d’ordinaire très terre-à-terre. Mais plus maintenant... Gravité, qui sort en salle ce vendredi, raconte l’histoire de deux astronaute­s américains, l’ingénieure en génie médical Dre Ryan Stone (Sandra Bullock) et le vétéran aux commandes

- Steve Tilley Agence QMI

Ils se retrouvent coupés de toute communicat­ion avec la terre. C’est un film inhabituel, un pari risqué. Uniquement deux vedettes sont à l’écran, Bullock devant porter seule une grande partie du film sur ses épaules. Malgré un budget de 80 millions $, la plus grande partie des deniers a servi aux effets numériques.

«C’est une grande leçon de confiance. Confiance en la vision du réalisateu­r», a dit Sandra Bullock à propos d’Alfonso Cuaron.

«Et il l’avait, la vision claire, a-t-elle ajouté. Il n’y a pas eu un seul instant durant le tournage où j’ai eu besoin d’aide et que je ne l’ai pas reçue.»

DÉFI PHYSIQUE

L’idée à la base de Gravité est venue il y a quelques années à Cuaron et à son fils Jonas, qui ont signé le scénario ensemble. Plusieurs vedettes se sont montrées intéressée­s à tenir le rôle de Ryan Stone, dont Angelina Jolie et Natalie Portman, mais le projet a perdu sont rythme de croisière alors que Cuaron et l’équipe étaient à élaborer les techniques qu’ils allaient adopter pour le tournage. L’un des plus grands défis était la gravité, de faire bouger les personnage­s comme s’ils se trouvaient réellement en apesanteur dans l’espace.

Finalement, Cuaron et l’équipe ont mis au point une boîte de trois mètres sur trois, constituée de panneaux LED, qui proposent le niveau de lumière voulue par ordinateur. Les caméras ont été installées sur des bras robotisés et, au centre du cube, il y a des harnais inconforta­bles auxquels Sandra Bullock était suspendue.

Le reste des éléments figurant dans le film a été ajouté numériquem­ent.

C’était inusité, une nouvelle technologi­e pas encore au point. Sandra Bullock est bien contente de ne pas avoir été informée des pépins techniques avant le tournage.

«Je n’avais pas compris que l’un des problèmes était d’arrêter la caméra qui vous arrive en plein visage à 40 km/h, a-t-elle dit. Et n’oubliez pas que je suis attachée de la taille jusqu’aux pieds.»

L’illusion d’apesanteur a été rendue possible en suspendant l’actrice de 49 ans dans les airs dans le cube avec des caméras et de la lumière qui tournent autour d’elle. Le décor a été ajouté par la suite, en postproduc­tion. Chaque scène a donc dû être planifiée méticuleus­ement à l’avance. Tous les gestes de Bullock dans les airs devaient être exécutés avec précision, sans faille.

«C’était tout à fait comme une chorégraph­ie, a-t-elle résumé. Ce n’est qu’une fois que j’ai eu assimilé les mouvements, comme des pas de danse, que j’ai pu y mettre un peu d’émotion et me concentrer sur mon personnage.»

La carrière de Sandra Bullock avait connu une belle lancée il n’y a pas si longtemps avec des comédies à succès, notamment La propositio­n, Un duo

d’enfer et le film L’éveil d’un champion, qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice en 2010.

RÔLE EXIGEANT

On lui a confié le rôle dans Gravité alors que sa vie émotionnel­le était en chute libre, peu après sa rupture d’avec Jesse James et ses infidélité­s largement médiatisée­s.

Mère monoparent­ale de son fils adoptif Louis, Bullock a trouvé la force en elle pour jouer le rôle le plus exigeant de sa carrière, un personnage avec lequel elle a dû se retrouver 10 heures par jour, enfermée dans un petit cube. «Vous vous rendez compte que le confinemen­t peut être votre ami d’une drôle de façon, a dit Sandra Bullock. Vous souffrez, vous êtes frustrée, claustroph­obe, seule dans le noir, et vous attendez ainsi une heure durant, le temps que l’équipe technique trouve la solution à un problème. Vous avez tout ce temps à passer avec vous-même.» C’était une expérience éprouvante autant sur le plan psychologi­que qu’émotionnel. Et ce n’est qu’il y a un mois, durant la Mostra de Venise, que la vedette a réalisé l’ampleur du travail accompli par Cuaron en visionnant Gra

vité pour la première fois. «Il a fallu du temps pour digérer le tournage. Je n’avais aucune idée du résultat, de sa profondeur, a-t-elle raconté. Lorsque j’ai vu le film, je n’arrivais pas à croire que c’était ce que nous avions accompli.»

Réalisé par Alfonso Cuarón, coécrit par le cinéaste et son fils Jonás, Gravité débute avec un accident. Les débris générés par la destructio­n d’un satellite obsolète dévastent la station spatiale sur laquelle travaillen­t Matt Kowalski et Ryan Stone. En quelques instants, ils sont livrés à eux-mêmes, la communicat­ion avec le centre de contrôle de la mission étant coupée. C’est la première fois qu’Alfonso Cuarón collabore avec son fils. «Je lui ai demandé de m’aider à écrire quelque chose qui tient [le public] en haleine, qui a énormément de suspense, de l’atmosphère tendue, tout en étant, en même temps, un voyage profond et émotif. À l’intérieur de ces paramètres, beaucoup d’éléments sont amenés via des métaphores visuelles», a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse avec les médias. Pour Jonás Cuarón, l’expérience a été un apprentiss­age. «Le défi principal a été de faire un film dans lequel l’action n’arrête pas. À mon avis, cette synergie ne s’est réellement produite que quand nous avons commencé à travailler avec George Clooney et Sandra Bullock. C’est à ce moment-là que j’ai compris comment des personnage­s pouvaient prendre vie.

Gravité a été un pari énorme –et je suis ravi que Sandra ne s’en soit pas aperçue-, tout le film reposant sur les épaules d’un seul personnage.»

RECRÉER L’ESPACE…

«L’un des thèmes majeurs du film est l’isolement», a indiqué Alfonso Cuarón. Les astronaute­s séparés de leurs collègues, devant trouver le moyen de survivre. Le défi majeur de Gravité a été, en plus de la prestation de Sandra Bullock, le rendu de l’apesanteur et la véracité scientifiq­ue de ce qui est présenté à l’écran.

«Avant même de démarrer la pré-production, j’apportais des mouvements et des chorégraph­ies qui dépendaien­t de la gravité et de la ligne d’horizon. J’ai eu des apprentiss­ages à effectuer, qui allaient contre mes intuitions. Le principal problème, lors des prévisuali­sations [NDLR: les animations faites avant le début du tournage, afin de connaître avec précision les gestes des acteurs et les mouvements de caméra], c’est que les animateurs apprennent à dessiner en fonction de la ligne d’horizon et du poids [du sujet]. Des experts sont venus nous expliquer les règles de physique en apesanteur», a détaillé le réalisateu­r d’origine mexicaine.

Les acteurs ont été placés dans des harnais, sur des plateforme­s et certains plans ont été réalisés en animation par ordinateur, le fameux CGI. Afin de parvenir à donner l’illusion de l’absence de gravité, Neil Corbould, le directeur des effets visuels a travaillé pendant 10 mois sur un système très particulie­r. Il a ainsi conçu un harnais – moulé au corps de Sandra Bullock et invisible sous les vêtements les plus ajustés – auquel étaient attachés 12 câbles. Ceux-ci servaient à imprimer les mouvements de son corps.

ORDINATEUR

Qu’il s’agisse de la navette ou même de la station spatiale, la grande majorité des décors a entièremen­t été générée par ordinateur! C’est ainsi, notamment, que les accessoire­s ont été reproduits informatiq­uement– la NASA a versé beaucoup de ses designs dans le domaine public –de manière à pouvoir être incorporés à l’étape de la postproduc­tion. Et, pour recréer le module Soyutz, l’équipe des décors a pu compter sur la collaborat­ion de l’astronaute australo-américain Andy Thomas.

Au-delà des prouesses techniques nécessaire­s à la réalisatio­n de Gravité, Alfonso Cuarón a expliqué que ce long-métrage était d’abord et avant tout une parabole.

«On peut voir ce film comme une gigantesqu­e métaphore. Oubliez l’espace, c’est un film sur une femme à la dérive. C’est une femme victime de sa propre inertie. C’est une femme qui vit dans sa bulle. Sa confrontat­ion avec l’adversité l’éloigne de plus en plus de sa condition humaine et de sa vie. Les autres éléments ne sont que des voix de sa psyché. Ils représente­nt sa quête existentie­lle. Votre cerveau peut être en train de vous dire que vous abandonnez, mais il y a quelque chose qui fait que l’espèce continue d’avancer, de vivre. On peut donc voir ceci comme une métaphore sur le voyage intérieur d’une femme. Au lieu de la voir évoluer dans une ville, dans un appartemen­t, elle est dans l’espace», a-til conclu.

√ Gravité arrive sur les écrans de la province le 4 octobre.

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