Le Journal de Quebec - Weekend

Et si on enseignait les réseaux sociaux?

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Il se passe rarement une journée sans que j’entende quelqu’un décrier les médias sociaux. On en parle encore comme d’une perte de temps, d’un bavardage inutile et, surtout, comme d’un échange perpétuel d’insultes, de règlements de compte mesquins, de calomnies vicieuses, de mensonges et de demi-vérités. Il y a un peu de tout ça dans les réseaux sociaux, c’est vrai, mais si c’était parce qu’on ne savait pas utiliser?

On a dit aussi pis que pendre du courrier électroniq­ue à ses débuts. On prétendait qu’il réduirait toute la correspond­ance à quelques lignes insignifia­ntes et contribuer­ait à répandre l’analphabét­isme et «l’écriture au son» plutôt que le contraire.

À l’exception de Postes Canada, inepte de toute manière, je me demande bien qui a «souffert» du courrier électroniq­ue. Il m’épargne un temps fou au téléphone et m’évite l’insupporta­ble va-et-vient d’une boîte vocale à l’autre. Je peux archiver mes courriels, j’ai une réponse immédiate, que mon correspond­ant soit voisin de palier ou habite de l’autre côté de la planète. Valeur ajoutée et inattendue, mes petits enfants connaissen­t mieux leur français, car chaque fois qu’un de leurs courriels comporte une faute d’orthograph­e ou de grammaire, je le retourne corrigé à son auteur!

INCONTOURN­ABLES

Les médias sociaux sont des auxiliaire­s et des complément­s incontourn­ables de la télévision. Grâce à eux, la télévision est redevenue le lieu de rassemblem­ent qu’elle était à ses origines quand tous les voisins se retrouvaie­nt dans le seul foyer du quartier assez aisé pour posséder un téléviseur.

Même si on n’arrive pas encore à mesurer de façon précise l’impact que les réseaux sociaux ont sur l’écoute d’une émission, les cotes BBM et Nielsen ne sont plus la seule façon de mesurer la popularité d’une émission. Une nouvelle entreprise a même vu le jour, Seevibes, qui donne aux réseaux de télé et aux agences de publicité le classement quotidien des émissions les plus actives sur les médias sociaux.

Quand Slice, la chaîne de Shaw qui s’adresse surtout aux femmes, a présenté la finale de Big Brother à la fin de la saison dernière, 620 000 personnes l’ont regardée, un résultat extraordin­aire pour une télé spécialisé­e. Facebook, et surtout Twitter, furent les grands artisans de ce succès d’écoute, ayant recruté des spectateur­s tout au long de la diffusion. Pour la finale, 21 000 spectateur­s ont établi 120 000 interactio­ns avec l’émission, dont les trois quarts uniquement par Twitter.

SPECTATEUR­S FURIEUX

Le printemps dernier, après deux saisons seulement, le réseau Global décide de ne pas renouveler l’excellente série dramatique Bomb Girls, diffusée en français sur Addik TV. En quelques jours, les fidèles de l’émission soulèvent une véritable tempête sur Twitter. Pour les apaiser, Global finit par commander aux producteur­s une émission spéciale de deux heures de Bomb Girls qu’on diffusera l’an prochain. Espérons qu’Addik la présentera aussi.

En participan­t aux réseaux sociaux, le téléspecta­teur, sans qu’il en soit toujours conscient, peut donc exercer une grande influence sur le contenu de la télévision. Les diffuseurs et les publicitai­res prennent désormais les réseaux sociaux au sérieux et l’attention qu’on leur porte ira en grandissan­t.

APPRENDRE À S’EN SERVIR

Ceux qui les utilisent devraient se montrer plus responsabl­es, puisque leur influence peut être déterminan­te. Quant à tous les autres qui n’y sont pas encore rompus, qui les boudent ou qui les snobent, ils doivent apprendre à s’en servir comme ils ont au- trefois appris à lire et à compter.

Presque tous les adolescent­s sont accros des réseaux sociaux. Trop de parents le déplorent et les enseignant­s aussi, qui les voient comme une distractio­n et même comme des concurrent­s. Pourquoi l’école n’enseignera­it-elle pas aux écoliers la façon de les utiliser au lieu de regarder les réseaux en chiens de faïence?

Les réseaux sociaux sont ici pour rester. Il en naît même de nouveaux chaque année. Facebook et Twitter ont donné naissance à des rejetons comme Instagram, Tumblr, Flickr, Pinterest et la liste va continuer de s’allonger. Comme on n’enseigne plus la religion, la bienséance et le civisme à l’école, il doit bien rester quelques heures durant lesquelles on pourrait apprendre les réseaux sociaux aux écoliers.

Restera ensuite à instituer des cours du soir ou de rattrapage pour les adultes récalcitra­nts!

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