Le Journal de Quebec - Weekend
WOODY ALLEN RATE SON COUP L’homme irrationnel
∫ ∂∂∂∂∂∂∂∂ Je suis habituellement d’une indulgence coupable avec Woody Allen, dont j’aime les longs métrages. Mais là, malgré toute ma bonne volonté, je ne peux pas être dithyrambique.
Abe Lucas (Joaquin Phoenix) est alcoolique, cela ne fait aucun doute, il suffit de le voir ingurgiter le contenu de sa flasque alors qu’il est volant pour le savoir. Ce professeur de philosophie passablement désabusé se rend à l’Université de Braylin, dans le Rhode Island, où il a accepté un poste pour l’été. Parallèlement, la faculté est en émoi. Rita Richards (Parker Posey), une prof de chimie, et Jill Pollard (Emma Stone), une étudiante, sont, chacune de leur côté, en pâmoison à l’idée de la présence de ce prof, auteur publié et sommité reconnue.
Dès l’arrivée d’Abe, Rita tente – vainement au départ – de se jeter dans ses bras. Même si elle est mariée, elle ne rêve que de quitter cette petite ville. Jill, elle, en couple avec Roy (Jamie Blackley), se réjouit de pouvoir bénéficier des lumières intellectuelles de son nouveau professeur.
Ces deux relations cheminent en parallèle, Abe se retrouvant dans le lit de Rita sans pouvoir, malheureusement, consommer leur passion. C’est qu’il est particulièrement déprimé et ne trouve plus aucun sens à la vie. Il ne trouve pas non plus le sourire avec Jill malgré leurs dis-
Film de Woody Allen. Avec Joaquin Phoenix, Emma Stone et Parker Posey.
cussions philosophiques passionnantes et toute la bonne volonté que met la jeune femme à lui remonter le moral.
Or, un jour qu’ils sont attablés dans un restaurant, ils entendent une mère monoparentale décrire à quel point le verdict du juge Thomas Spangler (Tom Kemp) est en train de ruiner sa vie et celle de ses enfants. Aussitôt, Abe prend la décision toute philosophique d’aider cette femme et s’en trouve immédiatement joyeux. La suite – car toute l’intrigue repose sur le geste posé par Abe – est, bien sûr, typique du réalisateur.
EXERCICE DE STYLE
Les problèmes de L’homme irrationnel sont nombreux, à commencer par le jeu de Joaquin Phoenix. L’acteur, qu’on ne peut accuser d’être habituellement mauvais, se sent obligé, à certaines reprises, d’imiter le débit de paroles et la voix nasillarde du réalisateur, comme pour tenter de conférer une sincérité à des dialogues auxquels il ne croit pas vraiment.
Le noeud de l’intrigue, de même que sa conclusion, donnent l’impression d’un simple exercice de style, imaginé parce que Woody Allen a pour habitude de sortir un film par année et qu’il ne veut pas déroger à ce calendrier.