Le Journal de Quebec - Weekend
SUPRAMONTE, LA MÉDITERRANÉENNE SAUVAGE
SUPRAMONTE, Italie | Un fin liseré bleuté s’élève au-dessus de l’horizon et la silhouette découpée des crêtes environnantes se distingue très nettement sur un ciel parfaitement dégagé. La clarté de l’aube ne laisse aucun doute. La journée se déroulera sou
Après avoir passé la nuit en camping sauvage, je commence, dans le faisceau de la lampe frontale, ma descente matinale vers le littoral grâce à un petit sentier escarpé qui parcourt la garrigue. Avril est sans aucun doute une merveilleuse période pour explorer cette région qui connaît une affluence très importante au cours de l’été. Quarantecinq minutes plus tard, après être passé des sommets calcaires aux forêts de chênes verts multiséculaires, je débouche sur une petite baie encastrée entre les falaises qui rougeoient dans les premiers rayons solaires. L’endroit est magnifique et du haut de la falaise où je me trouve, je peux très nettement apercevoir un thon de plus d’un mètre passer dans la colon- ne d’eau translucide et bleutée de la Méditerranée. Même par 20 mètres de profondeur, le fond marin, dans des conditions de telle transparence, est parfaitement visible. Impressionnant! Autour de moi, les falaises disparaissent dans un miroir marin, comme par enchantement. Le calme et la beauté des lieux sont déconcertants. Pas étonnant que le golfe d’Orosei, qui n’est que la partie est du Supramonte qui s’écroule dans la Méditerranée, soit classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa beauté et son caractère naturel unique. Le calme est divin et je bénis l’idée d’être venu à une période si peu avancée dans l’année. Un tel endroit aussi désert est en effet très improbable au cours de la période estivale et la chaleur dans cette vallée doit y être insupportable dès 8 heures du matin. Passant du niveau zéro de la mer, les sommets acérés des alentours s’élèvent rapidement à des hauteurs comprises entre 900 m et 1463 m d’altitude.
LA VIE QUI REPREND
Arpenter ces coteaux dans le sous bois des forêts de chênes verts, dont le feuillage vert dense contraste puissamment avec la blancheur des roches calcaires environnantes, s’apparente à s’enfoncer dans un havre de paix au sein de la douceur printanière. En avril, la végétation est à son apogée de floraison et de couleurs, en pleine reprise de vie après les mois d’hiver et la décapante sécheresse estivale à venir. En altitude, ces forêts, dont les arbres ont parfois plus de 500 ans, laissent place à la garrigue. Ici, la féerie continue. Les plateaux alpins abritent une faune très sauvage préservée par l’isolement. Des faucons pèlerins virevoltent le long des vertigineux à pic, et le bruit des cornes de mouflons méditerranéens qui s’entrechoquent se fait parfois entendre dans les vallées à des kilomètres. Extrêmement furtifs, ces animaux sont l’emblème du Supramonte sauvage. Chassés pendant des siècles par les différentes populations qui colonisèrent l’île, ces animaux charismatiques ne tolèrent pas la présence humaine et les
observer dans leur milieu naturel est un véritable défi. Cependant, le soir venu, des hardes rassemblées sur des versants bercés par la chaleur printanière passent pourtant parfois à portée de mes lentilles. La beauté et la dimension des cornes des mâles sont saisissantes.
PAYSAGES SAISISSANTS
En journée, l’intensité lumineuse et la réverbération des roches calcaires sont telles qu’il est difficile de ne pas plisser les yeux. Le paysage paraît alors brûlé et lunaire. Cependant, les lumières matinales et les soirées sont splendides et moins brouillées par la brume de mer, qui s’élève fréquemment comme un léger voile dans l’air. Certains jours où l’atmosphère est très claire, il est possible d’apercevoir les côtes nord-africaines de la Tunisie et de l’Algérie plus au sud. La proximité des montagnes et du littoral me font souvent passer des sommets aux dunes dans la même journée. Peut-être est-ce là la véritable magie de cette île. Cette proximité permanente avec la mer, qui s’offre aux yeux ou aux pieds à chaque détour de sentier. Dans certaines lagunes de bord de mer, des dizaines de flamants roses s’alimentent et s’envolent dans les teintes saumonées du couchant. Décidément, règne en Sardaigne, au-delà des sites balnéaires réputés auprès de la G7 italienne, un véritable petit joyau du patrimoine naturel à découvrir.