Le Journal de Quebec - Weekend
UNE FUMÉE RÉVÉLATRICE AU COEUR DE LONDRES
À quoi ressembleraient la vie et le monde si tous les péchés se voyaient, si toutes les mauvaises pensées apparaissaient sous la forme d’une fumée qui salit et noircit tout, la peau comme les vêtements? Le romancier britannique primé Dan Vyleta a exploré cette idée inhabituelle dans son nouveau roman, Smoke.
Avec son imaginaire foisonnant et sa plume originale, Dan Vyleta transporte ses lecteurs au royaume d’Angleterre, à la fin du 19e siècle. Dans ce monde inventé, les aristocrates sont vertueux, et ne fument pas, tandis que les ouvriers dégoulinent de suie. La fumée et la suie sont bien réelles : elles noircissent les vêtements, salissent la peau, polluent la ville, mais, pire, révèlent les pensées qui ne sont pas les meilleures.
Thomas et Charlie, 16 ans, étudient dans un pensionnat huppé. On les forme pour diriger le pays et, pour cela, ils doivent apprendre à se dominer complètement pour ne jamais fumer ni dégager de fumée. Ils peinent à comprendre comment Julius, un élève sadique, méchant, manipulateur au possible, ne se salit jamais.
Thomas, le rebelle, entraîne Charlie dans une enquête sur la vraie nature de la fumée. Les garçons découvrent qu’on leur a menti... et doivent trouver les meilleures cachettes de Londres pour survivre.
Le livre, qui connaît énormément de succès au Royaume-Uni, interpelle autant les lecteurs adolescents que les adultes, note Dan Vyleta, en entrevue. « Je trouve fascinant que les gens le lisent avec différents points de vue sur le genre : ils se demandent si c’est une fiction post-moderne sur l’univers de Dickens, une dystopie, une allégorie de la politique dans les classes sociales, un roman politique, une méditation sur le bien et le mal. »
LA « PESTE MORALE »
La citation d’ouverture du livre est tirée d’un roman de Charles Dickens,
Dombey et Fils. « J’avais lu ce passage et je me disais, oui, je devrais écrire à ce sujet. J’ai tout de suite vu le potentiel de cette métaphore », note-t-il en faisant référence à la « peste morale » évoquée par le grand romancier.
« Et puis je me suis dit, pourquoi ne pas créer un jeune homme très en colère dans un pensionnat, qui vous enseignerait à devenir bon en engageant un combat ? » partage-t-il.
Parle-t-il de sa propre expérience? « Quand j’étais adolescent, j’ai eu une bourse pour aller étudier dans une très chic école privée américaine, pour un échange étudiant. L’école se voulait une réplique, en quelque sorte, des fameux pensionnats publics anglais. J’y ai appris que l’amitié est précieuse, parce qu’on est loin de notre famille, et que ce ne sont pas les professeurs qui dirigent l’école : ce sont les élèves. Et parfois avec de la cruauté, des petites guerres de pouvoir, des cliques et des gangs. »
Julius, le méchant, n’est pas inspiré de garçons qu’il a côtoyés, mais... « inévitablement, comme tout le monde, quand on est à l’école, on entrevoit des comportements d’intimidation. Julius est la conclusion logique d’un axiome de base : si vous croyez que vous avez tout parce que vous êtes mieux que les autres, aussi longtemps que vous pouvez maintenir cette façade, vous êtes satisfait. »
Dan Vyleta est le fils de réfugiés tchèques qui ont émigré en Allemagne à la fin des années 1960.
Après avoir vécu en Allemagne, au Canada, aux États-Unis, il s’est installé au Royaume-Uni.
Il a signé trois romans primés de nombreuses fois.
Il travaille sur son prochain roman.