Le Journal de Quebec - Weekend

LA SEINE ET LES ÉMOTIONS DÉBORDENT

Que faire lorsque tout déborde, même les sentiments ? Sublime dans sa manière d’exposer toute la gamme des émotions, la romancière franco-anglaise Tatiana de Rosnay raconte, en parallèle avec la crue de la Seine, l’histoire d’une famille aux prises avec d

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Malgré les pluies diluvienne­s qui s’abattent sur Paris, pas question que les membres de la famille Malegarde remettent les festivités du 70e anniversai­re du père, Paul, un arboriste à la réputation internatio­nale, et le 40e anniversai­re du mariage de Paul et Lauren.

La crue de la Seine est menaçante... mais d’autres dangers guettent les Malegarde. Les retrouvail­les de Linden, de sa soeur Tilia et des parents se teintent d’une couleur sombre lorsque Paul commence à éprouver des symptômes inquiétant­s. Comment faire pour se protéger lorsque les barrages cèdent et que tout le monde est submergé, au sens propre comme au figuré? En miroir du niveau du fleuve qui monte et monte, les révélation­s familiales font surface elles aussi.

RYTHME LENT

Écrivaine de talent, très habile pour saisir chaque détail, le décrire à la perfection, sans jamais créer de surcharge ou de longueurs, Tatiana de Rosnay a patiemment travaillé ce livre. « Il a un rythme assez lent puisqu’il est en rythme avec la crue, qui monte lentement, d’une façon inexorable. Donc, j’ai demandé à mon éditrice plus de temps, commente-t-elle. J’ai dit: je ne peux pas écrire ce livre d’une façon précipitée. C’est impossible pour moi. »

Il fallait un tempo lent pour laisser parler les sentiments, les émotions. « Le non-dit, je l’avais déjà étudié dans

Boomerang. Toutes les choses qu’on ne se dit pas, les années de silence, ce n’est pas en deux secondes que tu vas pouvoir dire les choses. Je suis contente d’avoir obtenu ce laps de temps nécessaire. »

LA TENSION MONTE

La Seine monte, mais la tension aussi, suivant la montée des eaux et celle des émotions sombres, étouffées. C’était volontaire, assure l’écrivaine.

Elle y va d’une confidence. « J’ai eu l’idée de ce livre à l’âge de 10 ans. Tu vois comme c’est lent: j’en ai 56. À l’âge de 10 ans, j’écrivais déjà. J’ai emménagé avec mes parents dans un appartemen­t de la rue de l’Université à Paris. Au dernier étage, il y avait une très vieille dame qui a compris que j’aimais beaucoup l’histoire. »

Cette dame lui a montré ses albums photo, de quand elle avait 10 ans... en 1910. « Sur une des photos, on la voit en train de sortir de l’immeuble de mes parents sur une barque – elle a toujours habité là. Elle m’a raconté la crue de la Seine en 1910, puisque ce quartier-là – le 7e arrondisse­ment – était celui qui a été le plus touché. »

Tatiana de Rosnay ne savait pas qu’elle allait, bien plus tard, écrire sur cette crue. « Je ne voulais pas écrire sur la crue de 1910. Je voulais transposer ça maintenant, dans notre monde moderne, et y greffer une problémati­que familiale actuelle. Le goutte-à-goutte de la crue qui monte, c’est aussi le goutte-à-goutte de la vie de Paul qui s’en va. Linden a une fenêtre de tir extrêmemen­t réduite pour dire à son père qui il est. »

SECRETS BIEN GARDÉS

Elle voulait mettre en lumière comment tous les personnage­s du livre ont des secrets, des blessures, des douleurs. « On va les découvrir. Comment cette situation de crise va faire que cette famille va enfin se parler? Voilà ce que j’ai voulu faire. »

Elle voulait aussi décrire Paris dans le chaos le plus total. « C’est très plausible, ça pourrait arriver. Récemment, on a eu une crue terrifiant­e, avec une pluie torrentiel­le, exactement comme dans mon livre. »

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PHOTO COURTOISIE CHARLOTTE JOLLY – DE ROSNAY
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