Le Journal de Quebec - Weekend
LE PLUS GRAND DES TABOUS
Dans son tout nouveau long métrage, Denys Arcand s’intéresse à l’argent, sujet brûlant s’il en est. Et le cinéaste a choisi Alexandre Landry, Maripier Morin, Rémy Girard, Pierre Curzi, Louis Morissette, Maxim Roy et Eddy King, pour ne nommer que ceux-là,
« C’est un tabou de parler d’argent au Québec pour la plupart des gens », a souligné Alexandre Landry lors de rencontres avec les journalistes mardi dernier, avant la première mondiale de La chute de l’empire américain.
Dans ce plus récent film de Denys Arcand, l’acteur incarne Pierre-Paul Daoust, un diplômé de philosophie qui trouve par hasard des millions de dollars lors d’un braquage. Son personnage tombe amoureux d’Aspasie, une
escorte, jouée par Maripier Morin. La jeune femme a toutefois avoué ne pas avoir les mêmes réticences à parler d’argent.
« Le salaire de mon chum [le hockeyeur Brandon Prust, NDLR] est connu. En sortant avec un athlète dont les salaires sont publics, ça a dédouané l’argent pour moi. Je parle souvent de cachets et d’argent sans scrupule », at-elle expliqué.
PRENDRE LE FRIC OU PAS ?
Pierre-Paul Daoust s’empare des millions, Aspasie, Sylvain Bigras (Rémy Girard), ancien motard et ex-détenu, et l’avocat véreux Wilbrod Taschereau (Pierre Curzi) lui venant ensuite en aide.
Comme l’a rappelé Rémy Girard, « Denys est un historien de formation. Ça teint tous ses films et on dirait qu’il se pose en observateur. Comme il a un sens de l’humour très aigu et très pointu, qui pourrait passer pour du cynisme, il a une intelligence de ce qui peut faire déraper l’être humain. »
Or, Pierre-Paul, qu’Alexandre Landry définit comme « candide » et « impulsif », est animé d’excellentes intentions. Pour Maripier Morin, cette joyeuse gang de voleurs « sont de faux méchants ».
Mais le spectateur est libre d’en tirer ses propres conclusions, de prendre parti ou non, pour le groupe rassemblé par Pierre-Paul. « Denys n’impose pas de morale », a indiqué Maxim Roy, qui tient le rôle d’une policière aux côtés d’un Louis Morissette qui incarne son partenaire.
ESPOIR
« Le simple espace pour s’exprimer devient tellement étroit », a dit Denys Arcand en fustigeant « la dictature du politiquement correct [qui] est devenue tellement intransigeante qu’on ne peut plus rien dire, c’est impossible. »
Le cinéaste a expliqué qu’il ne s’était pas censuré dans les propos tenus dans La chute de l’empire américain. « Ce film est fait pour choquer tout le monde », a-t-il indiqué sans ambages et en riant.
Mais point de pessimisme ni même de cynisme dans cette vision d’une société menée par l’argent, aux inégalités croissantes, et d’un Montréal dans lequel les itinérants sont de plus en plus visibles, Denys Arcand est résolument optimiste, un état d’esprit qui transparaît dans le long métrage.
« Un film ne change pas le monde. Mais des dizaines de films, comme des dizaines de livres finissent par faire [une différence]. Je crois à la puissance de l’expression artistique. »
Si La chute de l’empire américain insiste sur l’omniprésence de l’argent dans la société contemporaine, « l’une des qualités du film est qu’il n’y a pas de jugement moral sur l’argent. […] En soi, le capital n’a pas d’odeur, pas de saveur. C’est un moyen. Ce sont les hommes et les femmes qui en font le pire et le meilleur », de souligner Pierre Curzi.
La chute de l’empire américain est attendu en salle le 28 juin.