Le Journal de Quebec - Weekend
ÉVOCATION NOSTALGIQUE D’UNE JEUNE FEMME
À temps pour la rentrée littéraire, l’écrivain français Jérôme Ferrari – prix Goncourt en 2012 pour Le Sermon sur la chute de Rome – propose un roman explorant les liens entre la photographie et la mort, à travers l’histoire d’une jeune femme, Antonia. À son image, magnifiquement écrit, est un roman d’une très grande humanité, qui aborde aussi toute la question de la spiritualité et de la foi.
Antonia, une photographe de 38 ans, meurt dans l’embardée de sa voiture après avoir photographié un mariage en Corse. Les funérailles seront célébrées par un prêtre, qui est aussi son oncle et son parrain.
Le décès d’Antonia permet de faire remonter à la surface des moments de la vie de cette jeune femme, qui rêvait d’être une photographe politiquement engagée avant de se retrouver dans un journal local.
Jérôme Ferrari, à travers l’histoire et les amours d’Antonia, des photos de guerre et les questionnements du prêtre, dépeint cette femme intense tout en examinant les liens qui unissent la vie, la mort et la photographie.
CAPTURER L’INSTANT
« Je voulais écrire une fiction autour de la photographie. C’était mon idée de départ, explique Jérôme Ferrari, en entrevue. Dans tous les romans que j’ai écrits auparavant, il y avait toujours une petite place pour la photo. En parallèle, dès le début du projet, je voulais aussi faire une réflexion un peu plus religieuse. Les deux premières idées, c’était celles des deux personnages principaux : la photographe et son oncle qui est prêtre. »
« J’ai toujours vu une photo comme la preuve du caractère éphémère de l’instant : à la fois il est conservé sur du papier, et en même temps, il est irrémédiablement passé. C’est peut-être ça, le lien entre la photographie et la mort. »
Jérôme Ferrari adore la photo. « J’en fais un peu, moi, mais mal. J’essaie d’en faire un peu, depuis une dizaine d’années. »
Il s’est d’ailleurs inspiré de plusieurs photographies réelles pour écrire À son image.
« Toutes les photos prises par Antonia sont évidemment fictives. Elles n’existent pas – ce sont des photos que j’ai imaginées. Par contre, toutes les photos de guerre qui sont citées dans le roman sont réelles, que je connais et que j’ai vues. »
QUESTIONNEMENTS RELIGIEUX
Jérôme Ferrari explore également la religion, la spiritualité, à travers les questionnements du parrain d’Antonia, bouleversé par la mort de la jeune femme.
« Je ne suis pas croyant, mais j’ai toujours été très intéressé par l’expérience de la foi. (...) Dans beaucoup de passages de textes sacrés, il y a des côtés ambigus qui m’ont toujours beaucoup touché. Je voulais faire un personnage d’homme croyant, et lui rendre justice dans sa croyance, mais avec ses doutes et ses faiblesses. »
CHANTS POLYPHONIQUES
Jérôme Ferrari ajoute également une autre dimension à son roman en faisant référence aux chants polyphoniques, musiques sacrées spécifiques à la Corse.
« Ces chants changent en fonction des villages. Il y avait une très forte créativité, surtout dans le nord de la Corse. Et la bande-son, je l’ai : dans notre patrimoine culturel, en Corse, c’est ce qu’on a de plus beau. Ces messes chantées sont extrêmement importantes. Moimême, quand j’étais jeune, je chantais en polyphonie et je chantais pas mal de messes. »