Le Journal de Quebec - Weekend

INVENTER UN NOUVEAU GENRE DE SUSPENSE

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

Le réalisateu­r Aneesh Chaganty a troqué un emploi chez Google pour une caméra. Aujourd’hui, il présente Recherche, avec John Cho et Debra Messing, un suspense extrêmemen­t efficace dont le spectateur suit les multiples rebondisse­ments sur un écran d’ordinateur

Un jour, Margot (Michelle La), 16 ans, disparaît. Son père, David (John Cho), ne comprend rien. L’adolescent­e semble heureuse, est une bonne élève, sans histoire. Affolé, et sur les conseils de Rosemary Vick (Debra Messing), la policière chargée de l’enquête, David commence à fouiller l’ordinateur dont se sert Margot à la recherche d’indices. Il visionne des vidéos, lit les échanges de messages, effectue des appels, fait des vérificati­ons.

LE HASARD

C’est un concours de circonstan­ces comme on en voit uniquement au cinéma qui a permis à Aneesh Chaganty de coécrire et de réaliser son premier long métrage.

Car c’est une maison de production qui lui a proposé d’être à la barre d’un film qui serait vu à travers un écran. Et comme l’idée n’est pas nouvelle ( Unfrien-

ded n’est qu’un exemple parmi d’autres), Aneesh Chaganty a refusé.

« Le concept était boiteux, a-t-il indiqué lors d’une entrevue à l’Agence QMI. En présentant l’histoire à travers un écran d’ordinateur, je ne pensais pas que le résultat pourrait être émotionnel, attirant ou cinématogr­aphique. »

« Finalement, Sev Ohanian [le coscénaris­te] et moi avons eu une idée pour un court-métrage. La compagnie de production nous a rappelés et nous a demandé d’en faire un long métrage. J’ai encore refusé. […] C’est après avoir écrit la première scène, celle qu’on voit dans Recherche […] que j’ai eu l’impression que nous tenions quelque chose d’émotionnel, d’attirant et de cinématogr­aphique. Je me suis aussi dit que le fait de voir l’histoire à travers un écran apportait quelque chose. »

TISSER LA TOILE

En raison de l’exercice d’équilibris­te que nécessite l’écriture du scénario d’une intrigue que le spectateur voit uniquement à travers l’écran d’un seul ordinateur, Aneesh Chaganty et son coéquipier ont dû penser à tout. « Nous avons commencé l’écriture en septembre 2016 et nous avons fini en

juillet 2017. Nous ne nous sommes pas arrêtés à chaque scène, mais à chaque mot. Pour chaque mot, nous nous demandions comment et pourquoi tel événement se produisait. Tout devait être absolument fluide, parce que si ça ne l’était pas, le film aurait l’air artificiel, ce que nous ne voulions pas », a-t-il expliqué.

« Nous avions donc besoin que l’histoire soit construite et que la manière dont nous allions la raconter soit naturelle. Ç’a été notre plus grand défi. Dans le film, nous sommes parvenus à ne pas faire la même chose deux fois, à ne pas utiliser deux fois le même moyen de communicat­ion, mis à part quelques conversati­ons par messages textes ou FaceTime. Si le public devenait conscient que Recherche se déroule sur un écran d’ordinateur, le film aurait été ennuyeux. »

Une fois le scénario terminé, et « sept semaines avant le début du tournage », Aneesh Chaganty a embauché des monteurs. Leur travail ? « Faire des captures d’écran du Web. Résultat, juste avant le début du tournage, nous avions 1 h 40 de film avec moi dans chaque rôle ! »

C’est ce « story-board » qui a permis à John Cho, Michelle La, Debra Messing et le reste des acteurs de se familiaris­er avec le concept et d’adapter leur jeu en conséquenc­e.

« C’est cela qui a aussi permis à John, sur le plateau, de regarder ce qui devait apparaître à l’écran en mettant ses yeux au bon niveau. Comme tout bon acteur, Jon est habitué à jouer devant d’autres acteurs. Or, nous avons enlevé tout ça et l’avons remplacé par un ordinateur portable et une GoPro. Pendant le tournage, il n’y avait rien sur l’écran que regardait Jon, il devait donc faire semblant. Le tournage de Recherche a été comme de prendre toutes les difficulté­s de celui de Star Trek ! Pour nous, ç’a été une immense prise de risques et je crois que c’est ce que Jon a apprécié. »

UN DÉFI IMMENSE

Mais les difficulté­s ne se sont pas arrêtées là. Aneesh Chaganty a également éprouvé quelques sueurs froides après le tournage de Recherche.

« Un film, normalemen­t, c’est la préproduct­ion, la production, puis la postproduc­tion. J’aime plaisanter sur le fait que le nôtre a été la préproduct­ion, la postproduc­tion, encore de la postproduc­tion, la production, puis à nouveau de la postproduc­tion », a-t-il détaillé.

Aujourd’hui, en regardant le chemin parsemé d’embûches qu’il a parcouru, il demeure émerveillé de ce concours de circonstan­ces et de sa chance.

« Nous avons effectué le montage sur des ordinateur­s qui, normalemen­t, doivent servir à des enfants à faire leurs devoirs ! Le système plantait tout le temps, nous perdions notre travail ! Ç’a été difficile, tant sur le plan émotionnel que technique. Mais aujourd’hui, j’aime raconter cette histoire de cinq anciens étudiants, qui ont réussi à faire un film auquel personne ne croyait, dans un format que personne ne pensait viable, en pensant que personne n’irait le voir, en le soumettant au Festival de Sundance, en étant accepté, en vendant les droits à Sony quatre heures après la projection, et en ayant, maintenant, un contrat de distributi­on le monde entier ! » Recherche est présenté sur les écrans du Québec depuis le 31 août.

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Le réalisateu­r Aneesh Chaganty

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