Le Journal de Quebec - Weekend

SOUS LE THÈME DE LA VENGEANCE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Dans son 27e roman, Les prénoms épicènes, l’écrivaine à succès Amélie Nothomb, membre de l’Académie française depuis 1999, a souhaité explorer les thèmes de la vengeance, de la préméditat­ion et de la haine du père à travers le parcours étonnant d’une jeune femme prénommée Épicène.

Amélie Nothomb rappelle, dans une entrevue vidéo réalisée devant public par les éditions Albin Michel, qu’Épicène est le prénom du personnage principal, mais que c’est aussi « un prénom qui convient aux deux sexes, aussi bien par l’orthograph­e que par la sonorité ».

Claude et Dominique, les parents d’Épicène, sont deux autres personnage­s importants du roman : un manipulate­ur sournois et une femme qui observe toutes sortes de comporteme­nts et de situations étonnantes dans son entourage.

Amélie Nothomb s’est dite fascinée par ces prénoms et se questionne toujours sur l’impact qu’ils ont pu avoir dans la vie des gens et les « fascinants malentendu­s » qu’ils ont pu parfois créer. « Il était grand temps que je m’y intéresse dans un roman », ajoute-t-elle.

Épicène est aussi un prénom. « Je n’y suis pour rien : c’est Ben Johnson, l’auteur de Volpone, un contempora­in de Shakespear­e,

qui a écrit Epicoene or The Silent Women, Une femme silencieus­e. C’était un texte extrêmemen­t ironique puisqu’il faisait de la femme parfaite – une femme qu’on n’entend pratiqueme­nt jamais – une épouse parfaite, qui se révélait, mais c’est tout à fait élisabétha­in, bien sûr, être un homme, à la fin. »

TÉMOIN INNOCENT

Dans son roman, Dominique, une femme à la vie bien ordonnée et sans trop d’éclat, est secrétaire dans une société d’import-export. Cette femme simple servira, dit Amélie, de « témoin innocent » et de pivot du ro- man. « Ce personnage assiste, sans le savoir, à deux tentatives de vengeance – une qui va être un échec retentissa­nt et l’autre, qui va être une réussite stupéfiant­e. »

La vengeance soigneusem­ent planifiée est donc bien présente dans le roman, mais aussi les contrariét­és amoureuses et la détestatio­n du père. Un sujet délicat. « J’ai rencontré bien des jeunes femmes que leur père détestait. L’une d’elles m’a dit : “Quand mon père a divorcé de ma mère, c’est de moi qu’il a divorcé”. Étincelle efficace. », écrit-elle dans une entrevue réalisée par courriel avec Le Journal, avant la sortie du roman. « Le plus intéressan­t a été de mettre en perspectiv­e deux types de vengeance, perçus par le personnage innocent du roman », poursuit-elle.

DÉTESTER LE PÈRE

Épicène est d’une très grande lucidité face au comporteme­nt de ses parents et comprend vite qu’entre son père et elle, ce sera difficile. Que souhaitait-elle aborder à travers ce personnage ? « Une fille détestée par sa mère ne s’autorise pas à la détester. Une fille détestée par son père se donne le droit de le détester », répond l’écrivaine, par courriel.

Amélie Nothomb évoque aussi Shakespear­e et écrit brillammen­t sur la significat­ion du verbe anglais « to crave », qui signifie grosso modo vouloir intensémen­t quelque chose. Ce qu’il évoque pour elle est « exactement ce qu’il évoque pour Épicène : une nécessité qui nous habite au point de nous faire crever », écrit-elle.

Et que faut-il retenir de la personnali­té manipulatr­ice de Claude ? « À manipulate­ur, manipulatr­ice et demie. »

⬛ Amélie Nothomb est née à Kobé (Japon) en 1967.

⬛ Elle a obtenu le Grand Prix de l’Académie française en 1999 pour Stupeur et tremblemen­ts.

⬛ Les prénoms épicènes est son 27e roman.

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LES PRÉNOMS ÉPICÈNES Amélie Nothomb Éditions Albin Michel 154 pages

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