Le Journal de Quebec - Weekend
DE LA GUERRE
Documentariste nommé aux Oscars pour son Cartel Land, Matthew Heineman met en scène Rosamund Pike en Marie Colvin, la correspondante de guerre tuée à Homs, en Syrie, en 2012, dans le puissant A Private War. Entretien. ISABELLE HONTEBEYRIE Agence QMI
« C’est un film extrêmement personnel.» Ce sont les premiers mots que dit Matthew Heineman lors d’une entrevue accordée à l’Agence QMI. Sa mère était journaliste, et le documentariste passe son temps à « aller en zones de combats et à en revenir ».
Le syndrome de choc post-traumatique, il connaît. Les réfugiés syriens qui ont tout perdu, y compris les leurs, il connaît aussi. « Nous avons tourné les scènes de guerre en Jordanie. Les Syriens du film sont de vrais réfugiés. La femme qui raconte son histoire à Marie raconte sa propre histoire, la mort de son enfant », souligne-t-il.
UNE FEMME DÉCHIRÉE
La journaliste américaine, correspondante pour le Sunday Times britannique « est déchirée entre son envie d’une vie normale – avoir des enfants, etc. – et l’appel qu’elle ressent à aller couvrir des conflits », indique Matthew Heineman.
« C’est ce que j’ai vu en Rosamund qui m’a convaincu qu’elle serait parfaite en Marie Colvin. Sa passion, son sérieux, sa détermination. Nos visions étaient les mêmes. »
Un an de recherches de la part du cinéaste, des mois de préparations pour les acteurs, tant Rosamund Pike que Jamie Dornan – qui incarne Paul Conroy, son photographe – ont été nécessaires pour porter cet article du
Vanity Fair au grand écran. « J’ai lu tous ses articles, j’ai regardé tous les documentaires faits à son sujet, toutes ses interventions. Comme un journaliste, il a fallu que je gagne la confiance des amis de Marie. Personne ne voulait d’un film biographique qui soit une glorification hollywoodienne de Marie. »
A Private War n’est en aucun cas romancé. Le long métrage « permet au spectateur de s’identifier à Marie. C’est une femme déchirée entre la normalité qu’elle souhaite et sa vocation. C’est le portrait d’une femme qui souffre d’un syndrome de stress post-traumatique, qui a ressenti la blessure morale de la guerre. » TOUJOURS D’ACTUALITÉ
A Private War est plus qu’essentiel en ces jours où la liberté de la presse est menacée partout dans le monde.
« Ce n’est pas juste un hommage à Marie, c’est un hommage au journalisme, à ces gens qui se battent pour la vérité. En cette ère de fausses nouvelles et de soundbites, et dans un monde de propagande et de mensonges, il est terriblement important de célébrer le vrai journalisme. »
« C’est d’autant plus important quand les journalistes sont diabolisés dans certains cas, et délibérément ciblés et tués dans d’autres. Je ne pense pas que ce film aurait pu prendre l’affiche à un moment plus opportun. »
A Private War est en salle depuis vendredi.