Le Journal de Quebec - Weekend

PARCOURS D’UN MÉDECIN-ÉCRIVAIN

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Auteur de nombreux romans primés, le médecin Jean Lemieux offre un récit qui plonge au coeur de la tourmente du système de santé québécois dans son nouveau récit, Une sentinelle

sur le rempart. À l’heure de la retraite, il raconte ce qu’est la pratique médicale, nuits de garde et questions existentie­lles comprises.

Médecin omnipratic­ien et écrivain — son premier roman a été publié en 1991 —, Jean Lemieux raconte son parcours, depuis ses études à l’Université de Montréal jusqu’à sa retraite de l’Institut universita­ire en santé mentale de Québec, l’été dernier, en passant par ses 12 années de pratique aux Îles-de-la-Madeleine.

« Le médecin qui est de garde, le soir, dans une urgence, à Victoriavi­lle ou à Baie-Comeau, ou le médecin qui est de garde dans un CHSLD à Montréal, c’est un être humain », commente-t-il, en entrevue.

« Je voulais un peu que le lecteur soit de l’autre côté de la caméra : qu’est-ce que c’est être médecin, faire des études, être chargé de cette fonction, de cette responsabi­lité, vu de l’intérieur.

« Qu’est-ce qu’il ressent, le médecin, quand il commence son bureau, l’après-midi, et qu’il voit qu’il doit annoncer au gars qu’il a une tache aux poumons ? Comment on se sent quand on est à l’urgence et qu’arrive une ambulance et qu’on est dans un milieu isolé ? Comment on se sent quand on est un externe qui commence à être de garde, la nuit, dans un hôpital universita­ire ? »

SON CONSTAT

Quel constat fait-il, après une carrière en médecine ? « Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile d’être médecin que ça l’était quand j’ai gradué. Les attentes sont très grandes envers la médecine et la situation du réseau a changé : les omnipratic­iens sont devenus les plaques tournantes du réseau », commente-t-il en soulignant qu’un grand nombre de postes d’omnipratic­iens n’a pas été pourvu.

« C’est mal vu d’être médecin, c’est terribleme­nt difficile d’être omnipratic­ien, et le carcan administra­tif gouverneme­ntal est devenu omniprésen­t. »

TRAVAILLER AUX ÎLES

En dépit des obstacles, il précise que c’est un travail qu’il a adoré. « Il y a des bouts où ça a été dur, évidemment, et ça n’a pas été facile de dire : je délaisse cela pour faire plus d’écriture ou vivre... j’arrive à 65 ans. « Ce que j’ai le plus aimé, ça a été mes années aux Îles-de-laMadelein­e, où on travaillai­t dans un contexte d’une région isolée, en ayant peu de moyens, dans mes années de jeunesse. C’était extraordin­aire sur le plan humain et sur le plan médical. J’ai beaucoup aimé aussi travailler en milieu psychiatri­que. »

DOUBLE CARRIÈRE

Concilier la médecine et l’écriture, on fait ça comment, Dr Lemieux ? « On fait ça en étant discipliné. Il faut sacri- fier sa vie de loisirs “normale” pour se concentrer sur un deuxième métier, qui est l’écriture. C’est des soirées, des fins de soirée, des matins très tôt où on s’installe devant l’ordinateur et on écrit. On écrit pendant que monsieur Toutle-Monde regarde la télévision ou va au cinéma. »

Il voulait écrire « depuis toujours » et a eu besoin d’un peu de temps avant de commencer sérieuseme­nt. Mais son travail a été très bien reçu : ses romans ont obtenu de nombreux prix et l’un d’eux, On finit toujours par payer, a été porté à l’écran.

« L’écriture, ça a été mon poumon. J’avais cette échappée vers la création, vers un autre milieu qui est basé sur l’imaginaire, et c’est là que je m’évadais. C’est là qu’était mon air, mon atmosphère. Ce temps que j’ai consacré à écrire, ça a été du bonheur et je suis très content d’avoir eu la santé pour faire les deux. »

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