Le Journal de Quebec - Weekend

TROIS FILLES QUI EN ARRACHENT

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Fille du poète-rocker Lucien Francoeur et de la poète Claudine Bertrand, Virginie Francoeur a pris tout le monde par surprise avec son nouveau roman, Jelly Bean. Écrivaine audacieuse, elle a abordé la question de l’adolescenc­e « poquée » en mal de repères et décrit avec un langage très cru l’intimité de trois filles qui en voient de toutes les couleurs dans leur passage à l’âge adulte.

Avec Jelly Bean, Virginie Francoeur avait envie de rompre avec un style d’écriture plus formel. « Je ne me retrouvais pas dans les romans écrits pour les filles, surtout à l’eau de rose, ni dans le courant chicklit qui véhicule plus souvent qu’autrement des clichés. J’ai eu envie de créer trois filles fortes qui hurlent avec toutes leurs tripes et qui n’ont pas peur de dire ce qu’elles pensent. »

En entrevue, elle explique qu’elle en avait assez des livres qui « ont pour effet de nous endormir plutôt que de nous réveiller », et d’une forme d’écriture très linéaire qui ne représente pas, à son avis, la manière dont certaines personnes parlent. « C’est pour ça que j’ai mis beaucoup d’anglicisme­s : je pense qu’on est une génération qui se cherche à travers le langage. J’ai eu envie d’écrire un roman qui déchire, et qui déchire la langue. »

Ainsi sont apparues Ophélie, jeune femme timide élevée dans un pensionnat pour filles ; Sandra, une danseuse nue en mal de tendresse; et Djamila, fille d’immigrés algériens élevée dans la tradition musulmane.

BASÉ SUR DES CAS VÉCUS

Virginie a mis en scène des filles pour qui l’apprentiss­age de la vie d’adulte est pas mal rock’n’roll – il est question de danseuses et de prostituti­on. « J’ai grandi à Outremont. Le livre, c’est de la fiction, mais c’est parfois basé sur mon vécu, ou le vécu d’amies, ou d’amies de mes amies. J’ai été bénévole pour un centre de femmes qui voulaient se sortir de la prostituti­on », explique l’auteure, qui a aussi fait des missions humanitair­es à l’internatio­nal.

« J’ai eu aussi certaines amies d’enfance qui ont intégré le milieu des clubs de danseuses. J’ai une amie qui s’est suicidée assez jeune. Ces histoires ne peuvent pas faire autrement que continuer de m’habiter et quand j’écris ces personnage­s, ces femmes qui n’ont souvent pas de voix et qui veulent être entendues, c’est parce que je le sentais comme ça. »

Les situations qu’elle décrit sont très dures pour des filles de 17-18 ans. « Des Sandra, il en existe beaucoup plus qu’on pense. »

ÉCORCHÉES DE LA VIE

Elle a voulu prendre des écorchées de la vie, comme son personnage de Sandra, et montrer que c’est une fille pleine de tendresse, qui en arrache. « Ce n’est pas un livre qui fait l’apogée de la drogue, bien au contraire. Sans être moralisate­ur, je voulais démontrer où ça pouvait mener. » Et faire ressortir « le côté dark, le côté animal, le côté heavy de l’existence ».

Quand elle était ado, Virginie était plus près du personnage de la timide Ophélie. « Je me suis fait intimider au secondaire. J’étais super timide, naïve et je me faisais entraîner dans toutes sortes d’histoires. Je n’ai pas été reposante pour mes parents. Je n’ai jamais intégré le milieu des clubs de danseuses – j’étais bien trop pudique et gênée. »

Elle dit que son père, qui a maintenant 70 ans, a tripé sur son roman et l’a lu plus de cinq fois. Virginie Francoeur est doctorante et chargée de cours à l’Université Laval. Elle a écrit deux recueils de poésie et un essai. Le roman est finaliste du prix France-Québec.

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JELLY BEAN Virginie Francoeur Éditions Druide 184 pages

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