Le Journal de Quebec - Weekend
JEANNE LABERGE GARDE ESPOIR
La romancière Sylvie-Catherine de Vailly s’est penchée sur le thème difficile et douloureux de la disparition d’un enfant pour construire l’intrigue du cinquième tome de la série Jeanne Laberge, L’esquive. Son héroïne, première femme inspectrice de police du Québec, y est confrontée. Et c’est dur.
Depuis la nuit fatale du 5 mai 1976, Jeanne Laberge n’est plus la même.
Dans ce roman, les lecteurs retrouvent Jeanne quatre ans après le kidnapping de Marion. La policière sait qu’avec le temps, les chances de retrouver sa fille diminuent, mais elle garde espoir.
Pour tenir le coup, elle se lance à corps perdu dans le travail et met de côté sa propre vie. Elle boit, aussi, et s’isole.
Pendant une enquête, elle croise une connaissance qui la sortira de sa torpeur. Et qui l’obligera à prendre de dangereuses décisions.
Sylvie-Catherine de Vailly note qu’elle avait prévu le drame du kidnapping de Marion depuis le début de la série, lorsqu’elle avait commencé à penser à ses personnages.
« Je savais qu’un jour j’arriverais dans le vif du sujet. C’était quelque chose qui m’intéressait : comment elle le vit, comment elle va passer au travers. On imagine toujours comment on vivrait ça s’il arrivait quelque chose à notre enfant, s’il était enlevé. »
VICTIMES DE VIOLENCE
Puisque Jeanne continue à travailler, d’autres intrigues se tissent en parallèle.
Un meurtre commis dans ce roman a permis à la romancière d’aborder un deuxième thème important : celui des femmes victimes de violence. Et dans ce roman, une femme violentée tue son conjoint.
Cette dernière thématique était lourde à travailler. « J’ai parlé avec des femmes qui étaient passées par là. Il a fallu que j’arrive à transmettre cela en mots. C’était pas facile. »
Jeanne Laberge a été très atteinte par la disparition de sa fille.
« Elle est plus morose, plus déprimée et plus détachée de ce qu’elle vit, même si elle est toujours aussi dévouée à son travail. On sent qu’elle est vraiment brisée, mais qu’elle se rattache à cet espoir de retrouver sa fille, un jour. Tout son univers est complètement chamboulé. »
SENTIMENT DE PANIQUE
Comme romancière, elle a aussi été émotivement virée à l’envers.
« Il y a des parties où j’en pleurais. L’émotion était forte : tu le ressens, surtout quand tu es mère. Aujourd’hui, mon fils a 22 ans, mais je me rappelle très bien la peur que j’avais quand il était enfant. Une fois, il n’était pas dans l’autobus pour le retour à la maison, sur l’heure du dîner. Quand ça se passe, tout t’échappe. Il y a une panique qui s’installe. »
Elle s’est replongée dans ce sentiment pour écrire les scènes du roman.
« Tout à coup, j’avais le sentiment que le sol se dérobait sous mes pieds. Tu imagines mille et un scénarios. J’ai forcé le moment. Je pense que c’est la pire chose qui doit arriver à un parent : ne pas savoir ce qui est arrivé à son enfant. Même quand c’est pas résolu, toute ta vie, tu vas rester avec ce manque. Je me suis questionnée, pendant l’écriture, et ça doit être très difficile. »