Le Journal de Quebec - Weekend
ENTRE FICTION ET DOCUMENTAIRE
Huit ans après la sortie de son documentaire Dix fois Dix qu’elle avait consacré à l’oeuvre du peintre allemand Otto Dix, la cinéaste Jennifer Alleyn renoue avec le cinéma pour proposer un nouveau film, Impetus, qui repousse les limites entre la fiction e
Tourné avec un petit budget sur une période de quatre ans, Impetus se penche sur la vie de quatre individus qui ont tous en commun le fait qu’ils ont chacun frappé un mur et qu’ils sont à la recherche d’un nouvel élan.
De Montréal à New York, on suit donc les parcours d’un ingénieur (Emmanuel Schwartz) qui vient de se faire abandonner par son amoureuse, d’une cinéaste (Jennifer Alleyn) qui a perdu son acteur, d’une comédienne en recherche intérieure (Pascale Bussières) et enfin, d’un musicien philosophe (John Reissner) qui a mis de côté sa guitare.
« C’est un film qui s’est nourri de différentes choses », explique Jennifer Alleyn ( Cosmos, L’atelier de mon père) en entrevue au Journal.
« Il y a eu notamment une rencontre avec le musicien John Reissner, qui est aussi philosophe du quotidien, qui m’a sorti un jour ce mot, impetus, au cours d’une conversation. Il avait arrêté de jouer de la musique pendant six ans. Je lui avais demandé pourquoi et il m’avait répondu qu’il attendait d’avoir l’impetus. Il m’avait alors expliqué que l’impetus était cette urgence de faire, cette impulsion qui nous met en marche. Je trouvais cela fascinant comme mot, et ça m’a donné une piste de recherche pour écrire un film. »
Jennifer Alleyn, une ancienne participante de la Course Destination
Monde, souhaitait aussi depuis longtemps tourner un film de fiction après s’être spécialisée dans le documentaire depuis le début de sa carrière. Mais le naturel est vite revenu au galop...
« Comme j’ai une nature de documentariste, j’ai eu envie d’aborder la fiction autrement et d’essayer d’amener la liberté du documentaire dans ce monde », indique la cinéaste de 49 ans.
« J’ai essayé de faire ce film en me donnant un cadre très souple avec une équipe plus légère. Cela m’a permis d’avoir plus de temps pour faire de la recherche avec les comédiens. C’est d’ailleurs aussi un film sur la fabrication d’un film. On suit une cinéaste qui essaie de faire son film avec tout ce qui fonctionne et qui ne fonctionne pas et toutes les solutions qu’il faut trouver en cours de route. J’avais envie d’être transparente sur la création d’un projet et d’aussi aller à la source de ce qui nous inspire.
« Je dois dire toutefois que le film est plus écrit que ce qu’on pourrait croire. Mais en plaçant les comédiens dans des situations réelles, on a accordé beaucoup de place au cinéma-vérité. C’était un privilège d’avoir deux comédiens (Emmanuel Schwartz et Pascale Bussières) si ouverts à ce processus de création. Ils ont beaucoup apporté à leurs personnages. »
COMME UNE OEUVRE D’ART
L’art visuel a toujours occupé une place importante dans la vie et l’oeuvre de Jennifer Alleyn. En 2008, la cinéaste avait réalisé un documentaire, L’Atelier de mon père, consacré à son père, le peintre Edmund Alleyn. Elle avait poursuivi dans la même veine en signant en 2011 le film Dix fois Dix, sur le peintre allemand Otto Dix.
« Impetus est vraiment un film d’atelier, souligne-t-elle. C’est un film qui a été fabriqué dans mon atelier avec une liberté qui ressemble à celle d’un sculpteur ou d’un peintre. C’est une façon de faire qui me plaît beaucoup. Je ne peux pas faire tous mes films dans un atelier. Mais dans ce cas-ci, c’était possible et ça m’a plu.
« J’ai aussi eu le luxe de prendre sept mois pour le montage du film. On a pu faire cela parce que c’est une fiction et qu’on avait beaucoup de matériel. On est donc entrés dans une seconde écriture pendant le montage du film. On s’est amusés avec le puzzle et on a essayé de faire cohabiter toutes les trames de l’histoire. On a travaillé ce film un peu comme on travaille une sculpture. »
Le film Impetus a pris l’affiche hier à Montréal, Québec et Sherbrooke.