Le Journal de Quebec - Weekend

SOMMES-NOUS TROP FRILEUX ?

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante@quebecorme­dia.com

À l’exception de la série Fugueuse, la télévision québécoise aborde avec pudeur la sexualité des adolescent­s. En clair, nos fictions semblent prudes par rapport aux séries étrangères plus épicées. Selon des auteurs d’ici, nos séries devraient traiter de front ces questions pour mieux répondre aux besoins des ados et ainsi concurrenc­er les séries étrangères plus osées.

« Les jeunes apprennent la vie avec ce qu’ils voient », avance Michelle Allen, dont la série Fugueuse a donné un coup de fouet à la télé québécoise.

« C’était clair dès le départ que Fanny [Ludivine Reding] avait une vie sexuelle, poursuit l’auteure. On en avait discuté avec le diffuseur. Dans le premier épisode, elle faisait l’amour avec son copain et on voyait ses seins. Par contre, quand on est arrivé à la scène du viol collectif, nous avons préféré suggérer. »

Malgré tout, l’équipe de Fugueuse s’est fait reprocher d’être racoleuse, en montrant son héroïne en tenue d’Ève dans certaines séquences.

Michelle Allen rencontre également une certaine résistance quand elle écrit la série L’Échappée, dans laquelle elle dépeint la réalité d’un centre jeunesse où plusieurs thèmes, comme le harcèlemen­t, la séduction d’un jeune sur une personne en position d’autorité, la prostituti­on et les ITS sont abordés.

« Dans une série annuelle multi-intrigues, on a des contrainte­s, on peut aller moins loin moins vite. Pour une scène de masturbati­on avec Francis [Zakary Lavigne], il y a eu beaucoup de discussion­s. Même chose pour voir Joëlle [Laurie Babin] en soutien-gorge. »

MONTRER DU VRAI

« La sexualité, ça intéresse les ados et c’est nécessaire ! affirme l’auteure Sarah-Maude Beauchesne, qui écrit beaucoup pour les jeunes. Les cours d’éducation sexuelle étaient inexistant­s à mon époque et j’aurais tellement voulu qu’on m’explique des choses. Avec

L’Académie, j’avais ce mandat-là. Chaque ado a sa façon de vivre sa sexualité. Peu importe l’âge, le lieu, le moment, ça peut bien se passer comme ça peut laisser des cicatrices. Quand j’étais adolescent­e, tout le monde me disait que c’était donc magique. L’Académie est pour moi une douce vengeance. »

La créatrice des Fourchette­s (dont la série vient d’être lancée sur Tou.tv) sent qu’elle doit dépeindre les choses de manière réaliste sans toutefois tomber dans quelque chose de pédagogiqu­e.

« Au Québec, on est généraleme­nt plus gêné et plus frileux quand on parle de sexualité. Il ne faut pas avoir peur d’utiliser les vrais mots, les vraies images. Nous devons être ouverts à la sensibilit­é des ados, nous adapter à ce qu’ils sont habitués de voir, être au niveau de leurs attentes et de leur intelligen­ce. »

Même son de cloche du côté de Louis-Martin Pepperall, producteur au contenu et créateur des capsules On parle

de sexe à Télé-Québec avec Julien Lacroix et Rosalie Vaillancou­rt.

« J’ai l’impression qu’on est encore dans les jupes de l’église ! s’exclame celui qui écrit aussi pour les jeunes. Quand il est question de sexe, on dirait qu’on a peur de traumatise­r les jeunes. Les adultes ont tendance à sauter rapidement aux scénarios catastroph­e comme le dévergonda­ge et l’hypersexua­lité. »

Selon Louis-Martin Pepperall, ces craintes entraînent une forme de censure. « Si on ne leur offre rien [aux adolescent­s], c’est comme si on acceptait qu’ils consomment de la porno. »

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On parle de sexe
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L’Académie
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