Le Journal de Quebec - Weekend

UN IMPORTANT DEVOIR DE MÉMOIRE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Né à Varsovie en 1936, l’écrivain Marek Halter a survécu à la Seconde Guerre mondiale et au génocide du peuple juif. Il a été lui-même témoin d’événements historique­s, a rencontré des dirigeants et participé à des discussion­s diplomatiq­ues de haute voltige. Il partage ses souvenirs exceptionn­els dans ses mémoires, Je rêvais de changer le monde.

Au fil des décennies, Marek Halter a remis des fleurs à Staline, discuté avec Arafat, Sadate, Poutine, Che Guevara, le pape François, le pape JeanPaul II et le président argentin Juan Perón.

Il s’est fait un devoir de raconter l’histoire du peuple juif et milite toujours pour la paix.

L’écrivain fait partie des survivants du ghetto de Varsovie, où seulement une personne sur 40 est sortie vivante de la Seconde Guerre mondiale. Sa petite soeur, Bérénice, est morte de faim dans un camp de réfugiés au Kazakhstan.

À l’âge de 10 ans, il a remis un bouquet de fleurs à Staline, pour souligner le jour de la Victoire.

« En m’approchant de lui, je me suis dit, tiens, voilà un homme beaucoup plus petit que sur ses photos », se souvient-il, en entrevue depuis son bureau parisien.

« Il empestait le tabac. Il avait des petits trous sur le visage parce qu’il a dû avoir la vérole quand il était petit. Je me suis dit : au fond, il est comme nous tous ! »

« À partir de ce moment-là, je me suis libéré de cette peur de m’approcher des gens qui tiennent ma vie entre leurs mains, qui décident, qui dirigent le destin des gens. Ça m’a permis de parler avec eux. »

DIFFICILE TRAVAIL

Difficile de remonter le cours du temps pour raconter ses mémoires ?

« Quand vous écrivez un roman, vous êtes comme Dieu, vous fabriquez des personnage­s, des vrais, des imaginés. Vous dirigez leur destin. Vous êtes le maître. Quand vous parlez de votre vie, elle a été vécue. Vous ne pouvez pas la changer ! »

D’un seul coup, il s’est rendu compte que plus de 80 années étaient passées.

« J’ai fait des fautes. J’ai dit des bêtises. J’aurais dû, peutêtre, faire autre chose. Il y a des regrets qui surgissent. La nos- talgie, c’est une chose terrible. Elle vous empêche d’avancer... »

Il dit avoir souffert en écrivant ses mémoires. D’être au chevet de sa femme Clara, gravement malade, l’a aidé.

« Je savais qu’elle était condamnée. Elle avait le Parkinson. Je lui lisais les chapitres tous les jours et je m’adressais à elle, d’une certaine manière. J’ai fait un pacte avec Dieu : Dieu, gardez mon épouse vivante tant que je n’ai pas terminé le livre. Et il a tenu parole. Elle est morte quand j’ai terminé le livre, et j’ai ajouté seulement une phrase, qui se trouve dans le livre : Clara est morte. »

LA PAIX AU PROCHE-ORIENT

Il a toujours des projets. « Avant de disparaîtr­e, je voudrais arriver à réconcilie­r Israéliens et Palestinie­ns. Comme le monde change, je ne peux pas utiliser les mêmes moyens que par le passé, où j’allais voir des dirigeants, où j’ai fait rencontrer chez moi Arafat et Shimon Peres. Où j’ai amené Sadate à Jérusalem. »

« Le monde change, et c’est bien qu’il change », ajoute-t-il. Il a espoir en l’avenir.

« Ce qui reste, c’est la force des femmes. J’ai toujours cru que les femmes sont plus rapides quand il faut prendre une décision de vie ou de mort. J’ai vu ma mère, quand nous avons fui le ghetto de Varsovie. J’ai vu Golda Meir, que j’aimais beaucoup. C’était un peu ma grandmère que je n’ai pas connue, parce que la mienne est morte à Auschwitz. »

« Les femmes, qui n’ont pas encore obtenu les mêmes droits que les hommes dans la plupart des pays du monde, peuvent nous aider à trouver la paix au Proche-Orient.

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