Le Journal de Quebec - Weekend

SURVIVRE À L’HORREUR DU RWANDA

Né dans une famille où le père était tutsi et la mère hutu, Albert Nsengimana est le seul survivant d’une famille de neuf enfants – tous des garçons. Lors du génocide commis contre les Tutsis au Rwanda, en 1994, ses frères aînés ont été tués. Son père n’a

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Albert est le septième fils d’une famille rwandaise où le père était tutsi et la mère hutu.

Sur un ton très simple, il décrit comment son enfance a basculé dans l’horreur lorsque les génocidair­es hutus ont entrepris d’exterminer ceux qu’ils surnommaie­nt « les serpents », les Rwandais de l’ethnie tutsie.

Ce qu’il décrit dans son livre est d’une horreur incompréhe­nsible. Après avoir été témoin du meurtre de quatre de ses frères, alors qu’il n’avait que sept ans, Albert a tenté de prendre la fuite et d’échapper aux assassins qui écumaient la région.

En retournant dans la famille maternelle, il a appris que le chef d’une brigade de mercenaire­s chargé de le tuer était son propre cousin. Ses propos sont glaçants.

« [...] ma mère a demandé à l’homme de la maison : “Où se trouvent les tueurs ?” Il a répondu : “Est-ce que tu amènes ce petit pour qu’on le tue aussi ?” Sans broncher elle a répondu: “Oui”. »

Par miracle, et parce que son bourreau était « fatigué de tuer », le petit Albert a eu la présence d’esprit de se sauver.

Et par miracle encore, il a échappé à tous les tueurs qui massacraie­nt les Tutsis, les uns après les autres. Il a été témoin de nombreuses scènes d’horreur.

ENFANT DES RUES

Après le génocide commis contre les Tutsis, sa mère a été emprisonné­e et Albert s’est retrouvé sans famille. Il a erré deux ans dans les rues.

Après plusieurs années difficiles, il a pu retourner à l’école, avec l’aide d’une Québécoise, Mme Hélène Cyr. Cette survivante de la tragédie de l’École Polytechni­que a participé à la fondation d’une école au Rwanda.

Au prix de nombreux efforts, et en dépit des traumatism­es, Albert a fini par décrocher un diplôme universita­ire.

Témoigner de ce qu’il a vécu lui a demandé beaucoup de courage. « Écrire fait partie du processus de guérison. Ça m’aide à rester fort », dit-il en entrevue téléphoniq­ue de la maison d’Hélène Cyr, au Rwanda.

« Je suis le seul survivant de ma famille – il faut que je reste fort. Même s’ils ne sont plus là physiqueme­nt, mes frères sont toujours présents dans mon coeur. »

Dire ce qui s’est passé a été éprouvant. « C’était très difficile. Je pleurais beaucoup parce que tellement de scènes me revenaient à l’esprit. Mais quand j’ai commencé à écrire, j’étais décidé à écrire ce qui s’était passé au Rwanda, à dire la vérité. J’ai surmonté des épreuves. Les gens qui vont me lire se sentiront peutêtre moins seuls pour traverser leurs propres épreuves. J’aimerais leur dire de se servir de mon livre comme un témoignage, et de ne jamais baisser les bras. »

LE PARDON

Comment fait-il pour vivre avec tant de sérénité, sans être rempli de colère, d’amertume ou d’émotions négatives, après tout ce qu’il a surmonté? « Quand j’avais 10 ou 12 ans, je me demandais toujours pourquoi j’étais toujours en vie, pourquoi je restais tout seul. Je n’acceptais pas ce qui s’était passé. C’était très douloureux. Mais j’ai réalisé que si je continuais sur cette voie, j’allais en mourir. J’ai essayé de pardonner à ceux qui ont tué ma famille. »

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